Ces mauvaises femmes – Avis +

Présentation de l’éditeur

Depuis l’apparition des premiers mythes, l’universel est le récit des hommes, cette vision masculine qui dessine le monde, explique comment les femmes doivent être… pures, dociles, aimantes – et met en garde contre ces mauvaises femmes, qu’il s’agisse de gorgones vengeresses, de belles-mères cruelles, de Pandoras gênantes ou d’Èves imprudentes qui portent la culpabilité de leur destin.

Dans sa version très personnelle, Maria Hesse renverse les rôles de ces princesses passives, sorcières perverses, mauvaises mères, femmes fatales ou folles passionnées. De Madame Bovary à Sarah Connor, de Jeanne la Folle à Yoko Ono ou d’Hélène de Troie à Monica Lewinsky, Maria justifie la nécessité de découvrir d’autres références, de nouvelles lectures de l’histoire afin de trouver l’inspiration et sa place en tant que Femme dans un monde qui change.

Avis de Claire

Ce roman graphique commence avec un conte de fées d’enfance. Maria Hesse revient, avec beaucoup d’ironie, sur l’histoire originelle de La Belle au Bois dormant, pointant du doigt ses incohérences et ses travers avec beaucoup d’humour. De ses souvenirs de petite fille resurgit un traumatisme, celui d’avoir été cette enfant « différente », celle qu’on trouvait étrange, marginale, juste parce qu’elle s’amusait à jouer à Mary Poppins un jour de pluie. Les préjugés voyagent vite. De cette infortune, une amitié solide s’installe, entre gens « bizarres » on se comprend. Elle rend d’ailleurs hommage à ses amies en fin d’ouvrage, saluant ainsi le pouvoir quasi mystique de la sororité.

De bizarre à mauvaise, il n’y a souvent qu’un pas. Mais comment s’en défaire ? Qui décide de cela ? Quelle serait la limite à ne pas franchir, et qui a autorité pour choisir cette limite ? Tant de questionnements que Maria Hesse ose poser, on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée émue pour l’actualité récente en Iran, ou encore aux Etats-Unis. Pourquoi les femmes n’auraient-elles pas autorité sur leur propre corps ? Qui a un jour décrété ce schéma patriarcal qu’une femme ne pouvait être maitresse de son propre destin ? Ceux-là mêmes qui qualifient toute femme qui résiste de « sorcière ».

Les fameux contes de fées de notre enfance, magnifiés, édulcorés ou encore altérés par la culture américaine n’y sont sans doute pas pour rien. Dans les contes, les jeunes filles sont toujours belles, passives -voire soumises-, inactives à l’inverse des beaux et jeunes princes qui viennent les délivrer (quand elles ont cette chance, pensez à l’épouse du laid Barbe-Bleue). Et quelle est cette soit disant morale bien pensante à retenir ? Et si la vraie héroïne des contes n’était pas cette fille immobile qui attend, mais celle qui prend les choses en main ?

De pages en pages, magnifiquement illustrées, Maria Hesse, ancienne professeure des écoles, nous raconte à sa manière l’histoire des femmes ou plutôt le destin des femmes à travers l’Histoire, les arts, la mythologie, la littérature, la culture populaire et geek. Ses références vont de Lilith à Pandora, de Coco Chanel à Britney Spears. Femme ange ou femme démon, n’y a t-il donc pas d’entre deux ? Et quand bien même, s’il s’agissait d’un homme, le jugerait-on selon les mêmes prismes ? L’autrice et illustratrice brasse large, un peu à la manière d’une conversation dans laquelle elle déroulerait le fil de sa pensée, bien documentée soit dit en passant.

Maria Hesse conclut son propos en constatant que cependant une brèche s’est bel et bien ouverte. Le monde change, les codes basculent, « parce que plus jamais nous n’irons nous enfermer dans une tour : il est temps d’écouter, de parler et d’occuper les espaces qui nous ont été refusés« .
Maria Hesse dédie son livre « A toutes les Gloria qui comptent pour moi« , en écho à la citation de l’activiste américaine Gloria Steinem « Nous sommes les femmes contre lesquelles nos parents nous mettaient en garde. Et nous en sommes fières. »

Fiche technique

Format : album
Pages : 168
Editeur : Presque Lune
Sortie : 21 octobre 2021
Prix : 23 €