ACTA : L’accord secret qui nous veut du mal

ACTA, voilà un sigle dont on entend peu parler. Ce machin singulier signifie Anti-Counterfeiting Trade Agreement ou accord commercial anti-contrefaçon en bon français. Difficile à croire mais cet accord commercial qui risque d’être adopté prochainement pose de sérieux soucis de différents ordres.

D’abord, ACTA met en danger notre liberté d’expression, ensuite, et simplement par la façon dont il est instauré, il met en danger notre démocratie. La critique d’ACTA ne vise pas à nier tout problème de contrefaçon mais d’examiner toutes les conséquences de cet accord qui a déjà été ratifié par certains des 39 pays qui l’ont négocié.

Vidéo de présentation d’ACTA

La contrefaçon touche ainsi de nombreux domaines. On pense bien entendu aux copies de faible qualité de produits de luxe ou plus dangereux de pièces automobiles qui ne répondent pas aux critères de sécurité. L’accord couvre également la copie de fichiers numériques, comme par exemple la musique et les films mais aussi les médicaments génériques qui pourront être bloqués à la frontière à la demande des laboratoires pour d’ultimes vérifications, une situation très alarmante quand on connaît la lourdeur de la bureaucratie douanière et le désamour des grands laboratoires pour les médicaments génériques et les pays qui les favorisent.

Sur le volet numérique, le texte final de l’ACTA prévoit une coopération entre le fournisseur d’accès et les ayants droits. Il ouvre la porte à des acteurs privés pour collecter des données personnelles, établir des preuves et de sanctionner les internautes. Ces missions de police et de justice correspondent normalement aux missions régaliennes de l’Etat.

Des dispositions sur les sanctions civiles sont prévues pour pousser les fournisseurs d’accès à « coopérer » tandis que la section dommages et intérêts est là pour fixer les sanctions selon un principe de ventes perdues avec l’ajout de dommages et intérêts. La demande solvable pourtant distinguée par les économistes qui se sont penchés sur l’analyse de la valeur disparaît entièrement au profit d’un calcul brutal où les indemnisations sont appliquées forfaitairement sans interdire un rajout additionnel.

ACTA va encore plus loin en prévoyant des sanctions pénales pour les complices de contrefaçon, notamment lorsque celle-ci se fait à l’échelle commerciale. On comprend bien comment l’ACTA monte ici un puissant arsenal contre les fournisseurs d’accès et les hébergeurs de tous poils. Quel patron d’entreprise ira risquer des sanctions pénales pour défendre les libertés de ses clients ? Probablement aucun et on ne pourra pas les en blâmer. Face à cette pression, on ne peut que craindre une surveillance systématique et sans nuance (avec des processus automatiques) qui seront d’autant plus pénibles que nous utilisons tous des services hébergés : webmail, blogs, réseaux sociaux…

Dès lors que la surveillance généralisée et la censure préventive (pour ne prendre aucun risque) seront en place, toutes les autres attaques contre la liberté d’expression avec notamment ce qui est contenu dans LOPPSI 2 ou la neutralité du net passeront d’autant plus facilement. Internet deviendra alors un super minitel, où seuls les professionnels de l’information pourront sans risque s’exprimer, où les débits vers Google, MSN ou les grands quotidiens d’informations seront bien plus rapides et faciles que vers de petits sites indépendants animés par des bénévoles comme l’est Onirik.

Pour conclure sur ACTA et au-delà de la question d’internet, cet accord pose également de sérieux problèmes de démocratie. ACTA est un accord commercial, il a été négocié en secret par les gouvernements de 39 pays, avec les contributions des ayants droits. Il sera présenté aux députés en l’état, à prendre ou à laisser d’un bloc, sans possibilité d’en discuter le contenu.

Le principe même d’une démocratie représentative est pourtant le débat avec la prise en compte de l’avis de l’ensemble de la société civile. Ce principe élémentaire est donc bafoué.

Mais ce n’est pas tout, en introduisant des sanctions pénales, cet accord « commercial » déborde très largement du domaine qui devrait être le sien. Il ne s’agit plus de commerce mais de justice. Là encore, il s’agit d’un déni de démocratie.

La cerise sur le gâteau qui finit de nous convaincre que cet accord est un pied de dictateur dans la porte de notre maison démocratique c’est qu’il comprend des clauses d’amendements postérieurement à sa ratification. Nos députés sont donc appelés à voter sans débattre pour un texte qui pourra changer après leur vote !

Nous vous invitons donc à parler de cet accord autour de vous, de vous documenter et de solliciter vos élus pour rejeter l’ACTA. La Quadrature du Net vous fournit tous les outils nécessaires pour cela. Au-delà de l’urgence, posons nous la question : dans quel état de délabrement notre société se trouve-t-elle pour qu’un tel étron parvienne jusqu’à notre seuil ?