Vous n’aurez qu’à fermer les yeux – Avis +

Présentation de l’éditeur

« Ça veut dire quoi, schizophrène ? me demande‐t‐il. J’hésite avant de répondre que, franchement, je ne sais pas trop. Je préfère ne pas lui dire de connerie. Puis le doute me saisit. Pourquoi pose‐t‐il cette question ? Je laisse passer quelques secondes et, en surveillant ma voix, en m’efforçant de parler d’une manière détachée, naturelle, comme quelqu’un qui poserait une question parfaitement anodine, je demande :

‐ Pourquoi poses‐tu cette question ?
‐ Oh, comme ça, il n’y a pas de raison précise, me répond‐t‐il d’une manière détachée, avec une voix naturelle, comme quelqu’un qui donnerait une réponse parfaitement anodine. »

Avis d’Enora

Une rencontre banale qui devait être sans lendemain ; Michèle a trente cinq ans et Mathias une vingtaine d’années. Il lui a plu pour sa jeunesse, sa beauté, sa gentillesse, son coté fragile et un peu perdu. Quand Mathias ne donne plus signes de vie, Michèle essaie de se faire une raison, s’étonne de l’intensité de son désir et du sentiment de solitude que fait naitre en elle l’absence du jeune homme. En apprenant qu’il est interné à Saint Anne sur la demande de ses parents, c’est le choc : elle avait tout envisagé sauf ça. Michèle se penche alors sur les lois, essaie de comprendre le pourquoi, le comment.

Malgré elle, elle se met à analyser le discours, le comportement de Mathias : sa façon d’employer un mot pour un autre, de rejeter les fautes sur les autres, sa mégalomanie, sa fuite de la réalité. Elle veut croire qu’il n’est pas malade ou que ce n’est qu’une crise passagère comme de nombreux adolescent. C’est impensable pour elle, dans le sens primaire du terme, qu’elle soit amoureuse d’un « fou ».

Michèle n’a plus qu’une obsession, savoir, comprendre ; c’est à cette enquête sur la folie ordinaire que nous convie Marianne Jaeglé, dans un livre sensible, bouleversant et profondément humain. La romancière évoque ce monde de la folie avec une compassion délicate, en petites touches émotionnelle, sans pathos et bons sentiments. Elle nous invite à modifier notre regard sur la folie en séparant la personne de sa pathologie et à éprouver de l’empathie vis-à-vis de ceux qui souffre d’une psychose.

Elle analyse avec acuité le dysfonctionnement de la médecine et la façon dont elle peut devenir maltraitante, inhumaine et mortifère en superposant le patient à sa pathologie, en oubliant simplement l’humain derrière le malade. L’histoire d’une violence ordinaire sur laquelle on ne s’interroge même plus.

Un roman magnifique de sobriété, dense, bouleversant, sur la maladie psychiatrique mais aussi sur la quête de l’autre et la quête de soi. Un récit plein de finesse et de pudeur qui peint une magnifique histoire d’amour peu banale.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 220
Editeur : Jacques-Marie Laffont
Sortie : 22 juin 2010
Prix : 16,90 €