The Brothers Grimm

Qui n’a pas rêvé de voir retranscrite la vie forcément passionnante des frères Grimm, conteurs merveilleux qui ont collecté récits et légendes dans leur pérégrinations au sein des divers régions germaniques qui formaient une unité linguistique mais pas gouvernementale.

Le merveilleux n’était pourtant pas le but principal des deux frangins, mais l’unification des différents peuples. Ils sont notamment à la base d’un dictionnaire d’allemand, encore et toujours utilisé. En quelques sortes journalistes de leur époque, de nombreux psychologues, historiens ou sociologues se sont penchés sur leurs écrits pour y voir des complexes freudiens, ou le rapport de crimes en série jamais élucidés donc magiques pour la famille des victimes, ou simplement la peur inhérente de ces périodes dures (famines) et troublées (guerres).

Pour l’histoire, Terry Gilliam avec son scénariste Ehren Kruger, les a dotés d’un côté marabout-vendeur de rites de désenvoutement un peu trop actuel pour se fondre entièrement dans le décor. Les deux hommes naviguent dans la Germanie occupée par les Français en gagnant leur vie au détriment des crédules. Démasqués par le gouverneur Delatombe (le bien-nommé), celui-ci les oblige à enquêter sur ce qu’il suppose être un autre arracheur de dupes. En effet, de nombreuses fillettes ont disparu alors qu’elles se promenaient dans la forêt de Marbaden. Sur place, il s’avère qu’il n’y a pas de trucs, malgré les efforts forcenés pour chacun des partis de trouver les rails et autres contrepoids qui expliqueraient si rationnellement les phénomènes surnaturels qui se déroulent sous leurs yeux.

L’envoyé de la France qui supervise l’expédition, l’Italien Cavaldi (génialement interprété par le Suédois Peter Stormare que l’on a déjà vu dans Minority Report ou Constantine), est immonde, sadique et veule à souhait. La petite troupe de bras cassés oblige une jeune villageoise, Angelika, à les conduire dans l’antre de la forêt pour dénicher le loup, la sorcière, l’ogre dévoreur d’enfants. Leur trouvaille sera plus qu’à la hauteur des rêves du plus jeunes des frères, Jacob (Heath Ledger) qui, candidement, croit au magique. Will (Matt Damon), dont le bon sens et la gouaille les ont déjà sorti de situations périlleuses, se voit fort dépourvu quand la nuit fut venue.

Tous les contes de nos enfances sont ici distillés de manière à nous faire comprendre que les frères Grimm se sont servis de détails collectés un peu partout pour ensuite construire leurs histoires. C’est pourtant faux, et le film le prouve lui même car Cavaldi, l’Italien non-croyant, voit ressortir toutes ses peurs ancestrales face à la sorcière, et aide la fratrie avec le rappel des contes de chez lui, qui sont, en fait, universels. De plus si Terry Gilliam fait montre d’une grande connaissance de l’époque, il tombe dans les pièges les plus vils tel la chaussure de vair qui n’est pas en verre mais en fourrure faite d’inclusions de différentes couleurs(même racine latine pour vair et varié). Beaucoup d’anachronismes, un mépris anti-européen assez marqué, les langues utilisées en dépit du bon sens (dans la VO, les Allemands parlent avec l’accent anglais et les Français qui parlent comme un bovidé espagnol se permettent de se moquer de la langue de Goethe, sic !), quelques ficelles grossières qui colorisent l’histoire à l’américaine confirment les pressions que Gilliam a reçues de la part des producteurs hollywoodiens.

Pourtant, son esprit est là et l’ironie tamponne le pellicule à force égale avec le grotesque, l’humour et le lyrisme. Les plans sont magnifiques et tout n’est pas dû à la beauté de la Tchéquie. Les éclairages feraient rougir Rubens, les décors et les costumes sont du même tonneau, excellents. Les acteurs (dont Damon, Ledger, Jonathan Pryce, Monica Belluci, etc.) sont bons et se prêtent à tous les jeux du réalisateur. Le public est d’ailleurs d’accord et rit, vibre, réagit à l’unisson.

Un grand film qui sait se faire pardonner les défauts qui ne prennent de l’importance qu’auprès des pisse-froids. Soyez malin et laissez vous emporter par cette chronique allemande, américanisée mais où l’humour (et l’accent) anglais transpire autant que les épais fridolins (petite pique destinée à nos frères-ennemis héréditaires, buveurs de bière).