Téhéran tabou – Avis +

Présentation du film

Téhéran : une société schizophrène dans laquelle le sexe, la corruption et la prostitution coexistent avec les interdits religieux.
Dans cette métropole grouillante, trois femmes de caractère et un jeune musicien tentent de s’émanciper en brisant les tabous.

Avis d’Anna

Pari est une femme mariée, mère du petit Elias. Avec son mari en prison, elle s’est tournée vers la prostitution pour gagner sa vie. En apparence une femme modeste, elle parcourt les rues de Téhéran pour trouver des clients, son fils sous le bras. Déterminée à se refaire une nouvelle vie, elle demande à un juge du tribunal islamique de lui accorder le divorce. Mais sans l’accord de son mari, Pari est dans une impasse. Après plusieurs tentatives infructueuses, elle supplie le juge d’accepter sa demande. Mais celui n’a qu’une idée en tête et lui fait des avances, auxquelles elle finit par céder dans l’espoir d’obtenir ce qu’elle veut en contrepartie.

Installée dans un nouveau quartier, grâce au juge, elle fait la rencontre de Sara. Mariée, la jeune femme vit avec son mari et ses beaux-parents malades. Tombée enceinte depuis peu, Sara est discrète, tout l’opposé de Pari. Femme au foyer, elle semble porter une certaine mélancolie. Elle se prend d’affection pour Elias, dont elle s’occupe en l’absence de sa mère.
Pari et Elias deviennent pour elle un moyen d’échapper à son quotidien monotone, rythmé par les demandes de sa belle-mère et les soins que demandent son beau-père.

Donya, elle, est une jeune femme célibataire, vivant seule dans la ville. Elle est venue vivre à Téhéran dans l’espoir d’une meilleure vie. Pourtant, elle découvre une réalité bien autre. Une nuit d’amour, abandonnée aux bras de Babak, un étudiant, mettra en péril ses projets d’avenir.

Le destin de ces 3 femmes se croise dans les méandres d’un Téhéran où la duplicité, bien plus qu’une norme, est une nécessité pour survivre au rigorisme du régime. Chacune à leur manière, elles sont victimes de leur nature de femmes. Piégées par leur corps, ce qu’il représente et ce qu’il vaut dans cette société, ces trois femmes cherchent à s’y soustraire coûte que coûte. Les hommes, comme les femmes, ont tous leur remède face à l’austérité de rigueur : sexe, drogues, alcool, délinquance et tromperie.

Film d’animation, Téhéran tabou a été réalisé en utilisant le procédé de la rotoscopie. Basées sur des scènes réelles, tournées avec de vrais acteurs, les images obtenues par rotoscopie délivrent un ultra-réalisme aux personnages, à leurs gestes, ainsi qu’au décor. Ali Soozandeh, son réalisateur, est un habitué de l’animation puisque c’est son cœur de métier. C’est d’ailleurs une des raisons qui l’a poussé à opter pour l’animation plutôt que pour la prise de vue réelle : « Pour ce projet, tourner à Téhéran n’était évidemment pas envisageable. J’ai vu des films tournés au Maroc ou en Jordanie censés représenter l’Iran, mais je n’ai pas trouvé ça convaincant. ». Un choix d’autant plus compréhensible étant donné l’accent qu’il porte à la peinture, sans concession, des tabous qui régissent la société iranienne.

Les doubles vies que mènent les protagonistes s’opposent radicalement avec le rigorisme religieux qui régit la société iranienne. En connaissance des dangers de leurs actions et de leur duplicité, ils choisissent pourtant de vivre cette double réalité dans cette société schizophrénique.

Entre liberté et répression, le film ouvre les portes sur la vie de ces protagonistes, sans jugement, adhésion, ni condamnation. Le film souligne avec subtilité et grâce la fragilité et les dérives d’une société sans libertés individuelles et sans considération pour les femmes. Cette société, pour autant, n’est pas exempte de joie ni d’humanité. À cet égard, le silence du jeune Elias en dit long sur cette société où les non-dits et les secrets sont rois. Sa conscience des actions de sa mère et de ses voisins ne le prive pas de son innocence, ni de son enfance.

Fiche technique

Sortie : 4 octobre 2017
Durée : 66 minutes
Acteurs : Elmira Rafizadeh, Zar Amir Ebrahimi, Arash Marandi, Bilal Yasar, Negar Mona Alizadeh, Payam Madjlessi.
Genre : film d’animation – drame
Distributeur : ARP Sélection