Reviens Voltaire ils sont devenus fous – Avis +/-

On est donc revenu à la fameuse diplomatie qui a fait le succès des accords de Munich, et nous avons eu le déshonneur et le terrorisme.

Février 2005 : les caricatures de Mahomet sont publiées dans Charlie Hebdo.

Cette publication est condamnée par Jacques Chirac en personne. Parallèlement Serge Dassault qui s’apprête à partir dans les Émirats arabes unis s’inquiète : « À qui je vais les vendre mes Rafale ? ». Le Conseil français du culte musulman demande l’interdiction du numéro. Par la suite La Grande Mosquée de Paris, l’Union des organisations islamiques de France et la Ligue islamique mondiale poursuivent en justice Charlie Hebdo, sans oublier l’Association Pour la Sûreté nationale (qui ne compte qu’un seul membre, par ailleurs condamné à perpétuité pour meurtre).

À l’époque directeur de la publication et de la rédaction du journal attaqué, Philippe Val nous fournit un témoignage de l’intérieur sur les événements. Forteresse de la laïcité assiégée par les fanatiques, les obscurantistes et les donneurs de leçons, Charlie Hebdo résiste. Mais cette expérience a engendré chez Philippe Val des réflexions instructives sur les acteurs des différentes polémiques.

S’interrogeant si Nicolas Sarkozy (à l’époque Ministre de l’intérieur) joue double jeu, Philippe Val apprend à vivre avec les menaces de mort et les incitations à se convertir à l’Islam. Pendant ce temps, les policiers chargés de sa protection ouvrent son courrier avec des gants (pour l’antrax).

Outre le danger viennent les vagues de la contestation : « Étrangement, plus d’une fois, j’ai trouvé mes meilleurs avocats parmi des religieux ou des laïcs d’origine musulmane, et mes accusateurs les plus radicaux dans la mouvance d’extrême-gauche ».

Mais n’oublions pas l’extrême-droite. Car Jean-Marie Le Pen a également désavoué la publication des caricatures. C’est l’occasion pour Philippe Val de faire la distinction entre Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen. Si le premier représente la droite nationaliste catholique qui, depuis l’année 732 , ne cesse de repousser les Arabes à Poitiers en brandissant un crucifix, Le Pen se situe dans la tradition païenne qui a idéologisé l’antisémitisme. Pour le leader du Front National : « Les Arabes sont des gens formidables, surtout quand ils s’appellent Al Husseini ou Saddam Hussein »[[soutenant Adolf Hitler, le mufti de Jérusalem Mohammed Al Husseini organisa l’enrôlement de deux divisions de Bosniaques pour la Waffen SS]].

La gauche n’est pas épargnée par Philippe Val. Selon lui, l’anticolonialisme des années 1960 s’est muée en antisionisme. D’ailleurs il observe que ceux qui soutiennent le peuple palestinien négligent de s’intéresser aux Musulmans persécutés comme les Tchétchènes, les Kurdes ou bien les Ouïgours.

L’affaire des caricatures lui permet également de faire un lien avec « l’affaire Siné ». Ayant négligé de contrôler un article dans lequel le polémiste proférait des affirmations mensongères sur Jean Sarkozy et antisémite envers la fiancée de ce dernier, Philippe Val se retrouve avec une nouvelle affaire sur les bras. C’est ainsi que déferlent sur lui une avalanche de haine venue des antisémites et divers soutiens de Siné. Philippe Val est surpris par le soutien d’Edwy Plenel à Siné. Il rappelle que le même Edwy Plenel avait dans un blog (hébergé et modéré par Médiapart), publié une chronique de Vincent Verschoore où ce dernier affirmait que le virus du sida n’existe pas (!).

Les propos de Philippe Val se révèlent pertinents. Cependant en ce qui concerne l’affaire Siné il manifeste deux « oublis. ». Tout d’abord Edwy Plenel a très bien pu négliger de contrôler les propos de Verschoore, tout comme Val avait négligé de contrôler les écrits de Siné. Ensuite ce n’était pas la première fois que Siné manifestait son antisémitisme. En 1982 après l’attentat de la rue des Rosiers il avait proféré une violente diatribe antisémite à la radio [[les propos de Siné en 1982 sont les suivants : « Je suis antisémite depuis qu’Israël bombarde. Je suis antisémite et je n’ai plus peur de l’avouer. Je vais faire dorénavant des croix gammées sur tous les murs… Rue des Rosiers, contre Rosenberg-Goldenberg, je suis pour… On en a plein le cul. Je veux que chaque Juif vive dans la peur, sauf s’il est pro-palestinien… Qu’ils meurent ! Ils me font chier… Ça fait deux mille ans qu’ils nous font chier… ces enfoirés… Il faut les euthanasier…  »]] .

Certes il avait par la suite affirmé que ces propos étaient alcoolisés. Possible, cependant Val ne devait pas les ignorer. Or il ne mentionne pas l’incident de 1982 dans son livre. Avec Siné à Charlie Hebdo il avait en permanence une bombe prête à exposer et il a négligé de la surveiller.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 304
Éditeur : Grasset
Sortie : octobre 2008
Prix : 22,40 €