Rencontre avec Rainbow Rowell

Invités par les Éditions PKJ à l’occasion du Salon du livre 2017 de Paris, nous avons pu rencontrer Rainbow Rowell (Eleanor & Park, Carry On, Fangirl) pour une petite table ronde avec d’autres blogueuses.

Traducteur : Vous pouvez lui poser toutes les questions que vous voulez, que ce soit sur ses livres, sa façon d’écrire, sur les États-Unis, et même sur le lait.

Question : Lorsque vous avez écrit Fangirl, est-ce que vous aviez déjà prévu de faire Carry On qui est en quelque sorte la suite ou du moins inspiré de Fangirl ? Quand vous avez décidé de faire Carry On après l’avoir terminé ?

Rainbow Rowell : J’ai écrit Fangirl très rapidement, pendant un mois, c’était le mois de national de l’écriture. Du coup, j’ai écrit plus de la moitié du livre en 1 mois, très rapidement. Donc quand j’ai écrit Fangirl je voulais que ce soit un livre à part, indépendant. Que ce ne soit pas une suite ou une série de livres. Mais j’ai toujours voulu écrire de la fantasy, cependant la fantasy n’est pas du tout mon style, car j’étais journaliste et enracinée dans le réel, même quand j’ai écrit Eleanor & Park, je voulais vraiment que se soit lié à la réalité. Que tout soit dans le réalisme. Donc quand j’ai écrit Fangirl, il y avait des passages sur Simon et Baz et donc de fantasy. C’était pour moi une sorte d’expérience pour voir si j’étais capable d’en écrire. C’était pour moi plutôt un succès, car personne n’est venu me voir en me disant « Ça, c’était le pire du livre. J’ai détesté ce passage, tout le reste était formidable, mais là…». La seule personne qui m’a dit cela, c’était… Mon éditrice, elle n’aime pas du tout la fantasy. Elle voulait couper les passages avec Simon et Baz.

Ensuite, j’ai écrit À un fil, mais je pensais constamment à Simon et Baz, et surtout à Baz. J’ai adoré ce personnage. Et finalement avec Fangirl j’avais déjà créé assez d’éléments pour faire un livre. J’avais déjà les personnages principaux, j’avais un méchant, le système de magie, y’avait déjà une bonne base.

Donc j’ai commencé à écrire sur ce roman sans en parler à personne. Ni avec mon éditrice, ni personne, car c’est très difficile à expliquer. Est-ce que c’est la fanfiction de Cat ? Ou est-ce que j’écris le livre de l’auteur de Simon et Baz, je ne savais pas comment d’écrire et si les gens allaient comprendre.

J’ai alors écrit la moitié du roman que j’ai montré à mon éditrice, et là, elle a compris. D’ailleurs même aujourd’hui quand j’essaye d’expliquer ce qu’est le livre, ce n’est pas très clair et les gens ne comprennent pas tout de suite. Mais quand ils lisent, ils comprennent. En fait pour moi, c’est mon livre préféré, car c’est le livre que j’aimerais le plus lire moi-même.

Question : Quand j’ai commencé à lire Carry On, j’ai pensé à Harry Potter, donc avez-vous écrit le livre inspiré par Harry Potter, un peu comme une fanfiction de Harry Potter ?

Rainbow Rowell : J’ai toujours adoré la fantasy, les livres, les séries, les films. Et surtout les histoires parlant d’un élu qui doit sauver le monde, qui est né pour ça et qui est souvent un orphelin. J’ai toujours adoré ce genre d’histoire comme Star Wars, Superman, Frodo Baggins[[version anglaise de Frodo Bessac/Frodo Sacquet, héros du Seigneur des Anneaux]] et même Jésus qui est l’élu ultime.

J’ai écrit ce livre un peu pour des gens comme moi, qui connaissent ces histoires, qui savent dans quelle maison de Poudlard ils appartiennent, c’est un clin d’oeil. Ca commence, c’est un magicien qui est très puissant, donc oui, c’est un clin d’oeil « Oui un orphelin, un magicien ça me dit quelque chose. » Mais j’en détourne ensuite l’histoire pour faire quelque chose.

Donc on commence par quelque chose de familier, puis on fait un virage. Donc c’est une autre histoire, des personnages à part, on prend l’image de l’élu, mais on en fait autre chose, j’espère l’avoir ainsi assez détourné.

Question : Quelle est votre maison de Poudlard ?

Rainbow Rowell : Au début, je pensais être une Serdaigle, j’en étais persuadée. Mais quand Pottermore est sorti, j’ai appris être une Griffondor, et que c’était certain, mais j’étais triste, car pour moi Griffondor ce sont des personnes suffisantes, pas cool (elle utilise le terme connard). Après avoir appris être Griffondor, je me suis plaint pendant une semaine, je me disais que ce n’était pas possible. J’en ai parlé avec tous mes amis, je ne supportais pas ça. Et puis j’ai un ami qui est venu me voir, qui m’a demandé de m’asseoir et qui m’a dit : « Rainbow, tu es tellement Griffondor. Tu viens de passer une semaine à te plaindre pour dire que tu n’es pas Griffondor. Quand tu trouves quelque chose d’injuste, tu ne lâches jamais le morceau, tu continues et continues, ça c’est typiquement Griffondor. ».

Avec une auteure, on était en promotion ensemble, qui elle était Serpentard. Mais dès qu’elle faisait quelque chose, je disais souvent « C’est tellement Serpentard. » et celle-ci me répondait la même chose.

Question : Est-ce que Rainbow[[Rainbow en anglais veut dire arc-en-ciel]] est votre vrai prénom ?

Rainbow Rowell : Oui, c’est mon vrai prénom. Je suis née dans les années 70 avec les babacool, donc je m’appelle bien Rainbow, c’est-à-dire arc-en-ciel. Ce n’est pas courant comme prénom.

En anglais, ce n’est pas facile, ce n’est pas gracieux. C’est un nom, un substantif, puisque c’est un mot lié à l’objet, ils ont du mal à s’en servir.

Question : Comment vous êtes vous fait publier la première fois ?

Rainbow Rowell : C’était très difficile la première fois, j’ai mis 5 ans pour écrit mon premier roman, Attachement et j’ai mis très longtemps pour le faire publier. Je l’ai terminé en 2007 et il n’a été publié qu’en 2011.

Autrement, avez-vous des contacts avec des bloggeurs/Booktubers américain ? Car avec internet, c’est devenu une grande communauté. Avant quand les livres sortaient, on changeait les titres et les couvertures. Maintenant, on réclame le même titre et les mêmes couvertures que l’original. Ça a beaucoup changé depuis mon premier roman.

Avec Attachement, il y avait une couverture et un titre différent dans quasiment tous les pays. Maintenant, j’ai une étagère avec Fangirl vert-menthe et une étagère avec Carry On toute jaune. Avant mon éditrice disait quel choix allait être fait. Mais avec Aristote et Dante, les lecteurs ont réclamé d’avoir le même.

Question : Comment faites-vous pour passer d’un roman pour adulte à la jeunesse ? Au niveau de l’écriture.

Rainbow Rowell : Je ne change pas ma façon d’écrire, chaque livre est cependant différent au niveau du style et point de vue. Quand j’écris, j’essaye de me mettre dans la peau, dans la tête du narrateur, du personnage principal et c’est très différent si on a quelqu’un qui a 16 ans ou 38 ans. Je ne fais pas des livres en réduisant au niveau de la langue, je ne simplifie pas si c’est pour des jeunes adultes. Je ne vais pas mettre quelque chose de plus difficile, plus dure, avec plus de sexe pour les adultes. C’est pour ça que c’est très compliqué pour le marketing de mes livres, car on ne sait pas trop comment expliquer si c’est pour les jeunes adultes ou pas.

Question : C’est le même éditeur pour les livres pour adultes et ceux pour jeunesses ?

Rainbow Rowell : Ça dépend des pays. Il y a un seul éditeur au Brésil, un seul aussi en Espagne. Dans d’autres pays, il y en a plusieurs. Certains disent, on ne garde que vos livres pour adultes, et ils finissent pas regretter leur décision car les personnes qui lisent les romans jeunesse ressemblent à ceux qui lisent mes romans pour adultes. C’est mieux de tous les mettre ensemble.

Je pense que mon lectorat se ressemble partout au monde. C’est un peu le même genre de personnes, le même genre de femmes. Je pense que les adultes qui lisent les romans pour ado sont plus enthousiastes.
Parfois, je fais des événements avec des auteurs de livres pour adultes, et je vois la différence entre ces lecteurs. Les lecteurs qui viennent pour les livres pour adolescents, ils sont plus impliqués dans la création du livre, dans la couverture, dans la création. Les autres sont un peu plus cyniques, il y a plus de distance.

Question : Écrivez-vous quelque chose actuellement ?

Rainbow Rowell : Alors Carry On a failli me tuer. Ils ont changé la date limite pour rendre le roman, il a tout de suite été envoyé chez l’imprimeur ce qui explique pourquoi dans la version anglaise il y a plus de fautes.

Alors après Carry On j’ai écrit une nouvelle, Kindred Spirits qui n’est pas disponible en français, mais qui sera disponible en anglais en Angleterre. Malheureusement en français, on ne sait pas encore.

Donc pendant 3 mois, j’ai pris du temps pour me reposer, j’étais un peu déprimée, en 14 mois, il y avait eu 3 livres de sortis. C’était À un fil, Fangirl et Eleanor & Park. J’étais vraiment très fatiguée.
Après ça, j’ai écrit un scénario, il y aura bientôt plus d’informations le concernant. J’ai aussi écrit un roman graphique avec une artiste canadienne qui sortira en octobre (en anglais). Ensuite, j’ai travaillé sur un autre secret, quelque chose dont je ne peux pas encore en parler.
Et puis dans à peu près 3 mois, je vais écrire un autre roman, c’est peut-être la suite de Carry On, si Baz me revient, je vais l’invoquer, pour cela, il me faut, un bol de sang, une photo de Simon Snow, un très beau costume et psalmodier son nom. C’est vraiment mon personnage préféré.

Question : Est-ce qu’on peut espérer une suite de Eleanor & Park ?

Rainbow Rowell : Vous pouvez l’espérer, mais quand j’ai écrit ce livre, j’ai tout de suite après commencé à écrire le cadre pour la suite. Mais mon éditeur qui avait déjà du mal à le vendre au début, m’a dit qu’il pensait qu’il fallait le mettre de côté, car j’écrivais peut-être une suite de livres qui n’allait pas forcément sortir, et qu’il fallait que j’écrive quelque chose qui aide à ma carrière et donc le remettre à plus tard.
J’ai dit à mon éditeur, et si Eleanor & Park sort et que ça fait un succès énorme, je serai peut-être intimidée pour écrire la suite. Mais si c’est un échec énorme, je ne serais pas motivée pour l’écrire. Mon éditeur m’a dit : « Pourquoi dans votre tête, vous avez soit un succès énorme soit un échec énorme ? Pourquoi il n’existe pas un entre deux, mais que les extrêmes ? ».

Mais quand Eleanor & Park est sorti, ça a été un succès. Vraiment, un grand succès, aux États-Unis, c’est celui qui c’est le mieux vendu. Mais maintenant, c’est un peu difficile, car chaque lecteur s’imagine la suite, il s’approprie le livre, donc j’ai peur que le lecteur soit déçu parce que j’ai décidé. Par exemple avec Star Wars, j’ai attendu 20 ans pour la suite, donc quand l’épisode 1 est sorti, c’était plus pour moi un film sur Jar Jar Binks, et non Star Wars. Et je n’ai pas envie d’écrire une suite de Eleanor & Park version Jar Jar Binks.

Question : Peut-on espérer voir une de vos œuvres sur grand écran ?

Rainbow Rowell : J’ai bien entendu envie de voir une de mes œuvres adaptées sur grand écran. Il y avait une option sur les droits pour tourner Eleanor & Park, j’ai même écrit le scénario. C’était pour Dreamworks, mais le projet n’a pas abouti à cause de changement interne, des changements de direction chez Dreamworks, donc finalement, j’ai récupéré les droits. Alors oui, j’ai envie, mais il n’y a pas d’urgence. Je ne veux pas de pression, je ne veux pas perdre mon droit de regard et la main dessus, parce qu’en fait quand on achète les droits, ils peuvent faire ce qu’ils veulent, même en faire une suite. Je n’ai pas envie que ça m’échappe complètement.

Et niveau casting ça me travaille beaucoup pour Eleanor & Park j’ai peur qu’ils blanchissent les personnages, ou prennent quelqu’un d’extrêmement mince pour Eleanor. Pour les autres romans, ça m’embête un peu moins qu’ils choisissent.

Question : Est-ce que pour ses romans contemporains, elle s’est inspirée de personne qu’elle connaissait ?

Rainbow Rowell : De temps en temps oui, je ne vais pas prendre un personnage entier, mais des traits de certaines personnes. Et parfois même quand j’écris il y a un sentiment, un souvenir qui me revient et qui rentre dans la scène. La seule personne qui vient et revient, c’est ma mère. C’est la mère de différents personnages, mais elle ne lit pas mes romans à cause des gros mots.