Quand la science-fiction se rapproche de l’actualité

Ils sont nés en 1993[[ Tiens, comme ma fille aînée.]] à Sarajevo en pleine guerre de Yougoslavie. Trois orphelins dispersés sur la planète tentent de se retrouver en 2026, sous l’impulsion de l’aîné d’entre eux, la mémoire du monde, celui qui peut remonter au souvenir du jour même de sa naissance : Nike Hatzfeld.

Bien plus loin qu’une science-fiction banale, Enki Bilal nous offre là un véritable travail sur sa mémoire. Sa mémoire de son pays disparu. Plus question d’être Bosniaque, Croate, Monténégrin ou Serbe. Même si les tensions restent grandes et les plaies encore vives, il n’est pas question de faire le procès de bourreaux quelconques, mais plutôt de savoir pourquoi nous avons oublié ce pays, avant même qu’il soit sorti de la guerre, et ainsi avons pu permettre les horreurs qui s’y sont déroulées.

L’annonce en quatrième de couverture est éloquente :
« La tétralogie du Monstre est une histoire à trois voix. Celles de Nike, Leyla et Amir, orphelins de Sarajevo aux quatre coins du monde. Il s’agit avant tout d’un travail sur la mémoire. Mémoire individuelle et collective, où se mêlent des images écrites de l’éclatement de la Yougoslavie, « lieu » de naissance d’Enki Bilal (pays à peine disloqué que déjà sorti des mémoires), et des images peintes d’une entêtante conjugaison passé-présent-futur. Mémoire prospective aussi, potentielle, élargie des Balkans au reste du monde, comme dans un miroir. Ce monde, seul endroit, il faut bien le dire, qui nous reste. »

Enki Bilal est vraiment au sommet de son art, il transparaît de ses dessins un ambiance apocalyptique morbide. Le mariage de tentative de réponse sur le devenir d’une planète surpolluée peuplée d’une humanité en perdition avec l’éternelle passion autour des grandes religion monothéïstes. C’est époustoufflant, bien tordu mais époustoufflant. Tellement tordu qu’il vaut mieux relire les deux premiers albums pour bien se remettre les personnages et situations en tête. A lire de préférence dans une période où on n’a pas le cafard !

Rendez-vous à Paris, troisième acte de la tétralogie du “Monstre”.
Textes et dessins de Enki Bilal.
Aux éditions Casterman.

Déjà parus :

  • Le sommeil du monstre
  • 32 décembre