Polina, danser sa vie – Avis +

Présentation officielle

Russie, dans les années 90. Portée depuis l’enfance par la rigueur et l’exigence du professeur Bojinski, Polina est une danseuse classique prometteuse.

Alors qu’elle s’apprête à intégrer le prestigieux ballet du Bolchoï, elle assiste à un spectacle de danse contemporaine qui la bouleverse profondément. C’est un choc artistique qui fait vaciller tout ce en quoi elle croyait. Elle décide de tout quitter et rejoint Aix-en-Provence pour travailler avec la talentueuse chorégraphe Liria Elsaj et tenter de trouver sa propre voie.

Avis d’Artémis

Voici un film qui ne peut pas laisser indifférent. Malgré des faiblesses sur lesquelles on reviendra, les interprètes sont excellents et les passages de danse splendides, et rien que pour cela, le film vaut le coup !

En Russie, Polina est une fillette issue d’une famille pauvre pour qui la danse vient naturellement, et est un formidable moyen d’expression. Ses prédispositions font qu’elle est acceptée dans l’école du professeur Bojinski (Aleksei Guskov). Malheureusement, ses parents n’ont pas les moyens de financer cette école. Mais leur fille passe avant tout et ils décident de trouver l’argent par tous les moyens.

Après une courte période consacrée à l’enfance de Polina (interprétée par Veronika Zhovnytska, incroyable de spontanéité et de justesse), on retrouve l’élève danseuse jeune adulte. Bojinski est devenu son mentor et elle s’apprête à passer le concours du Bolchoï. Mais tout est remis en cause lorsque Polina assiste à un ballet contemporain, qui la pousse à s’interroger sur ses désirs en tant qu’artiste.

A l’origine du film Polina, danser sa vie, se trouve la remarquable BD de Bastien Vivès sortie en 2011 [[Onirik l’avait lue, retrouvez la chronique ici.]]. Dans l’adaptation signée par Valérie Müller et le chorégraphe Angelin Preljocaj, on retrouve donc le cœur de l’histoire, mais le film choisit également de faire des modifications et de développer des éléments non abordés dans la BD, notamment l’arrière-plan familial et social de Polina.

Malheureusement, ce sont les scènes les moins passionnantes du film : elles sont plutôt classiques dans leur traitement, et la plupart du temps, donnent une impression de longueur. En fait, on se demande ce qu’elles apportent, ces éléments pouvant être évoqués dans des dialogues ou des scènes plus resserrées. Car ce qui était fascinant dans la BD passe presque au deuxième plan : c’est la relation élève-mentor entre Polina et Bojinski, fil rouge de la BD, qui aurait méritée d’être traitée avec plus de profondeur.

Mais mettons de côté cela. Ce qu’il reste, c’est le parcours magnifique d’une artiste qui se découvre, de la liberté des pas esquissés dans la rue en tant qu’enfant, à la formation exigeante de la danse classique, à l’apprentissage du lâcher-prise. De plus, le film est tourné en russe et en français, selon les situations, ce qui lui donne une belle authenticité.

Les thématiques sont multiples et passionnantes. On voit comment la jeune fille passe du don naturel au travail minutieux du classique. Comment passer de ce contrôle du classique au langage contemporain ? Comment passer de l’exécution de pas à l’interprétation ? Et de l’interprétation à la création ?

Et surtout, il y a la danse. A partir du moment où Polina découvre Blanche-Neige (ballet créé par Angelin Preljocaj en 2008), son monde est chamboulé. Tout d’abord avec le personnage de la chorégraphe Liria Elsaj (Juliette Binoche), puis avec Karl (Jérémie Bélingard), elle découvre une autre forme de danse. Avec ce dernier, elle se libère peu à peu – quel moment de liberté jouissif que l’improvisation de Polina face aux jeunes, le visage de la danseuse y est vivant comme jamais – et les passages de danse saisissent l’attention des spectateurs, jusqu’au sublime pas de deux final.

Côté casting, c’est un sans faute. Pourtant, le défi à relever n’était pas évident : il fallait à la fois des qualités de danse et de jeu. Polina est incarnée par Anastasia Shevtsova, aujourd’hui danseuse au Mariinsky. A ses côtés, Juliette Binoche est tout à fait crédible en chorégraphe, sorte de double du réalisateur Preljocaj. N’oublions pas qu’elle a déjà eu une expérience de danse avec le chorégraphe Akram Khan (spectacle créé en 2008). Niels Schneider, lui, n’est pas danseur professionnel, mais il est parfait en étudiant danseur français charmant, avec qui Polina découvre l’amour et les sensations de la danse contemporaine. Jérémie Bélingard, danseur étoile à l’Opéra de Paris, est magnétique, tout autant en comédien qu’en danseur. Et en mentor, Aleksei Guskov trouve le juste équilibre entre sévérité et humanité.

Vous l’aurez compris, malgré des longueurs et parfois un manque de dynamisme dans l’avancement de certains passages, Polina, danser sa vie, est un film de danse, sur la danse, avec de très jolies trouvailles, qu’il ne faut pas laisser passer.

Fiche technique

Sortie : 16 novembre 2016

Durée : 112 minutes

Avec : Anastasia Shevtsova, Juliette Binoche, Jérémie Bélingard, Niels Schneider…

Genre : drame