Mur – Avis +

Avis de Cécilia

Documentaire merveilleux, Mur est un film pacifique sur le gâchis israélo-palestinien. Ce qui ne l’empêche pas d’être un film fort. Simone Bitton signe avec ce film une oeuvre de paix et de dialogues. Ce film est beau, doux et humaniste. L’harmonie de la réalisation avec les paysages est stupéfiante.

Synopsis

Mur est une méditation cinématographique personnelle sur le conflit israélo-palestinien, proposée par une réalisatrice qui brouille les pistes de la haine en affirmant sa double culture juive et arabe.
Dans une approche documentaire originale, le film longe le tracé de séparation qui éventre l’un des paysages les plus chargés d’histoire du monde, emprisonnant les uns et enfermant les autres.
Sur le chantier aberrant du mur, les mots du quotidien et les chants du sacré, en hébreu et en arabe, résistent aux discours de la guerre et se fraient un chemin dans le fracas des foreuses et des bulldozers. Toute la beauté de cette terre et l’humanité de ses habitants sont offertes au spectateur comme un dernier cadeau, juste avant de disparaître derrière le Mur.

Secrets de tournage

Présenté à Cannes, primé à Marseille à Jérusalem et à Sundace

Mur a été présenté en 2004 au Festival de Cannes, dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs. Il a par ailleurs obtenu la même année le Grand Prix du Festival international du film documentaire de Marseille. La même année, il remporte le prix du meilleur film documentaire au Festival de Jérusalem et le prix spécial du jury au festival du film de Sundace.

L’origine du projet

Simone Bitton se souvient avoir eu l’idée de Mur en regardant la télévision : « Un soir de l’été 2002, j’ai vu les premières images du mur au journal télévisé. Le ministre israélien de la défense disait que la clôture de fer et de béton, dont il venait d’inaugurer le premier tronçon, serait la panacée aux problèmes de sécurité du pays. Cette parole et ces images étaient tellement étranges et inquiétantes que je me suis dit : « Ca y est, ils sont devenus fous. » Cette nuit-là, je n’ai pas réussi à dormir. L’idée même de ce mur entre Israéliens et Palestiniens me déchirait physiquement. Au cours des semaines suivantes, une grande détresse s’est emparée de moi. J’ai eu le sentiment qu’on allait me couper en deux et nier tout ce que je suis : une Juive arabe dont la vie entière est un lieu de dialogue permanent. »

Histoire d’une séparation

C’est en juin 2002 que le gouvernement d’Ariel Sharon a adopté un plan visant à construire un mur, présenté comme une barrière de protection, en Cisjordanie. En juillet 2003 avait été annoncé l’achèvement d’un premier tronçon de ce mur, représentant environ 145 kilomètres. Depuis le tournage du film de Simone Bitton, cette construction, très conversée, a été jugée illégale par la Cour Internationale de Justice, qui a rendu un avis sur la question en juillet 2004.

Simone Bitton, entre Israël, le Maroc et la France

Se situant au carrefour de plusieurs cultures, la cinéaste revient sur ses origines : « Je suis née au Maroc, dans une famille juive traditionnelle. J’allais à l’école française, mes parents parlaient l’arabe entre eux et le français avec leurs enfants. Lorsque nous nous sommes installés à Jérusalem en 1966, j’ai très vite appris l’hébreu, mais j’ai continué à lire en français et à chanter en arabe. J’étais soldate en Israël pendant la guerre de 73 : j’ai vu la mort et cela m’a rendue pacifiste pour la vie. A 20 ans, j’ai parcouru l’Europe en stop comme une hippie, puis je me suis installée à Paris, j’ai commencé à voir des films et j’ai eu la chance d’être admise au concours de l’Idhec. Depuis, je vis entre Paris et Jérusalem et je retourne au Maroc le plus souvent possible. j’ai trois pays et trois cultures. J’ai toujours considéré cela comme une richesse et comme un privilège très rare dans un monde où des millions de personnes sont apatrides.

Un film politique ?

Simone Bitton précise ses intentions : « Le spectateur n’est pas une page blanche. Il sait beaucoup de choses sur ce pays, sur cette guerre. Il a ses opinions, parfois tranchées, qui ne sont pas forcément les miennes. Je n’ai pas fait ce film pour le convaincre, ni pour lui fournir des arguments. Je l’ai fait pour partager avec lui ce que je ressens et qui déborde de mon coeur, lui raconter ce que je vois, me donner à lui en spectacle. Ce mur que j’ai filmé fait partie de moi-même comme il fait partie de l’horizon mental et humain de mes personnages. Il est, en quelque sorte, le constat de notre échec. Mur est un film politique car tout est politique, mais il ne parle pas de politique. Il parle de moi, de nous. »

Un film sur le Moyen-Orient ?

Si Mur est consacré au conflit israëlo-palestinien, la cinéaste explique que la problématique qui est au coeur de son film déborde ce cadre : « Au-delà de la tragédie moyen-orientale, j’ai réalisé ce film en pensant chaque jour à ce qui se passe ailleurs sur la planète entre les riches et les pauvres, entre les faibles et les puissants, entre les « démocrates » et les « autres », entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien. Partout, les faibles veulent franchir les murs qu’on érige devant eux, et partout les forts ont peur de se retrouver à la place des faibles, comme si le bonheur des uns ne pouvait exister qu’aux dépens du malheur des autres. Parfois, le fort a tellement peur du faible qu’il fait tout pour que sa peur soit fondée, il s’arrange pour que le faible devienne une vraie menace. La paix viendra. Elle finit toujours par venir. Mais pour le moment, l’époque du mur ne fait que commencer, et je crains qu’elle ne soit terrible. »

Simone Bitton et la Palestine

Mur est le premier documentaire de Simone Bitton qui sorte en salles, mais la cinéaste a déjà tourné pour la télévision plusieurs films sur le conflit israëlo-palestinien. Citons notamment L’Attentat en 1999, sur un attentat-suicide survenu à Jérusalem, Conversation Nord-Sud, Daney-Sanbar en 1998, à partir d’un dialogue entre le critique Serge Daney et Elias Sanbar, directeur de la Revue d’études palestiniennes (à laquelle collabore Simone Bitton), un portrait du poète palestinien Mahmoud Darwich ou encore un film sur la chanteuse Oum Kalsoum.

Fiche Technique

Date de sortie au cinéma : 20 Octobre 2004

Durée : 1H 40

Couleurs

Format du son : Dolby SR

Format de projection : 1:85.1

Format de production : 35 mm

Tourné en Arabe