Montserrat/Dom Juan – Avis +

Avis de Marnie

Ainsi, à 18H, ce fut la présentation d’une pièce (inconnue pour la plupart d’entre nous) Montserrat d’Emmanuel Roblès, réalisée par Stellio Lorenzi en 1960. Montserrat (Marc Cassot), officier espagnol trahit les siens pour prendre le parti du révolutionnaire Bolivar, qui plus tard délivrera les Vénézuéliens du joug de l’oppresseur. Le général Izquierdo (Michel Piccoli) décide de prendre en otage six personnes innocentes et menace de les tuer l’une après l’autre si Montserrat ne révèle pas la cachette de Bolivar. Cette pièce montée à Paris en 1948 a été traduite en plus de vingt langues…

Le charisme de Michel Piccoli n’est plus à démontrer. Il possède une force et une séduction incroyable alors qu’il se montre un ignoble et cruel tentateur. Marc Cassot, plus en retrait, joue la dignité et le courage d’un homme torturé par le dilemme d’avoir à sauver soit six personnes, ou bien l’espoir d’un peuple… La tension tragique va nous entraîner avec elle, au fur et à mesure que chacun des otages tentera de faire faiblir tour à tour Marc Cassot ou Michel Piccoli. Lorsque l’on sait que trois d’entre eux sont joués par Michel Galabru, Robert Hirsch et Paul Crochet, le spectacle atteint une dimension qui nous touche en plein coeur.

Loin d’opter pour une vision statique de la pièce, Stellio Lorenzi choisit d’ouvrir les plans au départ pour mieux enfermer les comédiens dans un huis-clos étouffant où la caméra contribuera à souligner l’enfermement, et filmera au plus près les émotions extrêmes des divers protagonistes. Un propos universel et une mise en scène moderne pour un téléfilm qui méritait vraiment d’être dépoussiérée !


A 21H, Pierre Santini, directeur du théâtre Mouffetard, nous annonce la projection du Dom Juan de Molière, célèbre version réalisée par Marcel Bluwal, en 1965. Mais auparavant, nous avons droit au mythe revisité (non tout de même pas les 350 versions qui doivent exister de par le monde !) mais les plus « représentatives », soit le Don Juan de Tirso de Molina, celui de Pouchkine, de Molière, de Lord Byron et de Brecht, selon des textes bien choisis et mis en scène avec dynamisme et enthousiasme par Laura Domenge (On appréciera particulièrement sa vision du Commandeur…). De la fraîche et sympathique troupe de l’école Charles Dullin, nous retiendrons la composition du comédien qui interprète Lord Byron, soit Vincent Steinebach, aux clins d’oeil, certes appuyés mais hilarants à certains chanteurs actuels !

Ainsi que le dit lui-même Marcel Bluwal, son Dom Juan est le résultat d’une très longue réflexion, entre deux hommes de quarante ans (Michel Piccoli alors au sommet de sa « jeune » carrière avec Le mépris de Godard, et lui-même réalisateur de télévision plus que confirmé). Tourné au Petit Trianon de Versailles et en décors naturels, cette version tente d’apporter une modernité au texte de Molière et elle réussit certaines fois encore à nous surprendre.

Deuxième innovation : Marcel Bluwal fait appel à un jeune acteur inconnu pour interpréter le valet Sganarelle habituellement joué par des comédiens nettement plus âgés, Claude Brasseur bien-sur. N’oublions pas que la collaboration entre les deux hommes nous offrira une des meilleures séries télévisées françaises des années 70, Vidocq. Ici, sa prestation pleine d’humour et de nervosité du valet le plus emblématique du théâtre français reste un des meilleurs moments du film. La beauté et la voix si vibrante d’Anouk Ferjac apportent le petit plus à cette production, alors que le séduisant Michel Le Royer fait une apparition remarquée. Les spectateurs auront aussi retenu la scène où le comédien Angelo Bardi fait un numéro étonnant.

Donc encore une réussite pour cette étroite collaboration entre le théâtre et l’INA, où cette fois-ci, nous avons eu le plaisir de revoir deux oeuvres télévisuelles dans une salle comble ! Pour terminer cette soirée, Marcel Bluwal a aimablement répondu aux questions posées par des spectateurs, avec une franchise rafraîchissante, un certain réalisme dû à son expérience et une vraie passion pour son métier. Plaisir garanti !

Crédits photos : ©Ina- Gérard Landau et ©Ina- Norbert Perreau