Lucky – Avis +

Présentation officielle

Lucky est un vieux cow-boy solitaire. Il fume, fait des mots croisés et déambule dans une petite ville perdue au milieu du désert. Il passe ses journées à refaire le monde avec les habitants du coin. Il se rebelle contre tout et surtout contre le temps qui passe. Ses 90 ans passés l’entrainent dans une véritable quête spirituelle et poétique.

Avis d’Anna

Lucky sonne la dernière révérence de Harry Dean Stanton[[L’acteur est décédé le 15 septembre 2017 à Los Angeles]] qui joue ici sans doute l’un des rôles les plus importants de sa carrière.

Le personnage éponyme de ce film est singulièrement chanceux. D’une chance que peu ont : celle d’accueillir sa mort imminente. John Caroll Lynch nous offre un homme qui, à l’automne de sa vie, prend brutalement conscience de sa vieillesse et de sa mortalité après un malaise.

Cet incident lui révèle également sa solitude incommensurable. À côté de cela, sa soudaine réalisation le met aussi face à la fugacité de l’existence de ceux qui l’entourent et de la fragilité des relations humaines, les siennes en particulier. Cet état de conscience extrême de lui-même et de la vie le plonge dans une sorte de flou émotionnel qui le suit tout au long du film.

On ne peut s’empêcher de penser que c’est son propre chant du cygne qu’entonne Stanton. Ce personnage fantasque est sa dernière carte à jouer et sa maîtrise en est saisissante. Ce qui n’est pas étonnant pour un rôle qui a été écrit sur-mesure pour lui. Cet habile yogi surprend et donnera des complexes à certains avec sa souplesse étonnante. Il adore les American Spirit, le Bloody Maria, les mots-croisés et téléphoner à son ami Howard.

Son quotidien est chroniqué avec une remarquable minutie et un attachement certain au détail. Cela relève presque du documentaire. L’invariable ordinaire de cet homme du troisième âge est ce qui rend le héros si attachant et hors norme. Et en même temps, il partage une passion pour la musique et le chant avec son interprète. Ainsi, à bien des égards, ce zoom sur ce personnage est un regard aimant posé sur lui, et la fin prochaine de Lucky préfigure celle de l’acteur.

Stanton a cette habilité singulière de rentrer avec une grâce et une simplicité désarmantes dans les personnages atypiques, bousculés par la vie et par le temps. Et il nous le prouve cette fois encore. Il instille une identité remarquable à Lucky en lui donnant une vie intérieure riche et cet esprit de combat qui lui va si bien. C’est un faux grincheux qui se révèle être un homme profondément optimiste.

Son glissement vers une réflexion existentielle sur sa vie et le réel l’amène à poser la question de sa place dans cette communauté. Cette ville en plein désert est certes un paysage aride mais paradoxalement généreuse, accueillante et aimante, à l’image de ses habitants. Pourtant, il n’est pas le seul à avoir ce questionnement dans son groupe d’amis.

Howard (David Lynch) emprunte également ce chemin lorsque Président Roosevelt, sa tortue adorée, disparaît sans laisser de traces. Sa performance, elle, pointe vers l’invariabilité de la réponse à apporter à cette question. Nous n’existons que pour un temps, et nous avons réellement existé qu’ensemble et seulement si nous avons aimé.

Cela contredit cependant cette phrase d’une vérité brutale qu’il cite au début du film : It’s all going to go away into blackness… the void. Nobody’s in charge and you’re left with ungatz, nothing. That’s all there is.[[Tout va se finir dans l’obscurité… le vide. Personne n’est aux commandes et il ne te reste nada, rien. C’est tout ce qu’il y a.]]

Lucky nous laisse indubitablement morose et joyeux.

Fiche technique

Sortie : 13 décembre 2017
Durée : 1h25
Avec : Harry Dean Stanton, David Lynch, Ron Livingston, Ed Begley Jr., Tom Skerritt, Beth Grant, Jam
Genre : Drame
Distributeur : KMBO