Le rabbin de Salonique – Avis +

Quatrième de couverture

En 1941, les blindés allemands investissent Salonique, jadis surnommée « la Jérusalem des Balkans ». Deux ans plus tard, 45 000 Juifs, soit 95 % d’entre eux, sont acheminés vers les camps de la mort.

Le Grand Rabbin de Salonique avait la charge de veiller au respect des ordres de l’occupant au sein de sa communauté. A-t-il livré les siens aux nazis pour « sauver sa peau » et celle de ses proches, comme on l’a prétendu de manière injurieuse, ou au contraire s’est-il sacrifié en espérant les protéger ?

Qui fut Zvi Koretz ? Un traître ou un héros ?

Michèle Kahn réhabilite ce personnage complexe et fascinant, dont le courage, dissimulé derrière une apparence de froideur, le conduira au camp de Bergen-Belsen, puis dans le Train perdu, enfin à la mort. Dans le procès post mortem qu’on lui a intenté, elle voit une tragédie grecque et une insulte à la fraternité humaine. Un paradoxe déchirant qui illustre l’aveuglement des hommes dès lors que l’amour ne les unit plus.

Avis d’Enora

Michèle Kahn retrace ici, un épisode souvent mal connu de la Shoah, celui de l’extermination de la communauté juive de Salonique : sur les quarante sept mille habitants juifs de cette ville, 95% furent acheminés vers les camps de la mort et moins de sept mille survécurent.

Au début des années 1900, Salonique, ville ottomane, était appelée la Jérusalem des Balkans de part l’importance de sa communauté juive. En effet en 1492, le sultan Bayerid II avait invité les Juifs d’Espagne, pourchassés par l’inquisition, à s’établir en Turquie.

Les Sépharades – du nom hébreu de l’Espagne – apportèrent leur langue, leur sens du négoce, leur richesse culturelle et leur savoir technique. En 1912, les Grecs arrachèrent Salonique aux Turcs et elle devint la deuxième ville de Grèce. En 1923 le traité de Lausanne obligea un million de Grecs à quitter la Turquie. Une partie de cette population, déracinée, ruinée, arriva dans le port de Salonique, inversant la proportion des communautés. A partir de ce moment naquit un courant antisémite.

En 1932, la communauté cherchant un grand rabbin, plus ouvert, plus moderne, offrit le poste à Zvi Koretz, rabbin berlinois, Ashkénaze, né à Rzeszów. Les relations sont dès le début plutôt difficile, de part la personnalité du rabbin et les différences de culture. Quand les troupes allemandes débarquèrent, la communauté se montra plutôt confiante : les Sépharades n’étaient-ils pas les seuls Juifs des pays occupés auxquels les Allemands n’avaient pas appliqué les lois de Nuremberg ?

Hélas les choses changèrent rapidement, terreur, emprisonnement du grand rabbin, autodafé des rouleaux de la Torah, destruction du cimetière juif avec ses cinq cents mille tombes ! Et surtout les allemands créèrent les perverses JudenräteJuden : Juifs, Rät : conseil- camouflage transformant le groupe en instrument de condamnation.

Après la guerre, en 1946 s’ouvrit le procès des collaborateurs qui avaient trahi leurs frères de Salonique et en première position d’accusé, feu le rabbin Zvi Koretz, accusé « d’avoir exécuté fidèlement les ordres des Allemands, tout en sachant qu’il aidait à la destruction systématique et à l’extermination des Juifs de Salonique »

Michèle Kahn s’appuie sur de nombreux documents, témoignages et interviews dont celle du propre fils du rabbin pour réhabiliter ce personnage complexe, un peu naïf, englué dans la croyance en un Dieu qui le guiderait toujours et ne laisserait jamais exterminer son peuple élu. Il croyait à l’honneur des soldats allemands et n’avait pas une vision complète de la réalité, contrairement à sa femme beaucoup moins confiante et plus réaliste. Il avait malheureusement pensé que son obéissance aux nazis lui permettrait de protéger sa communauté – Il ne faut pas oublier qu’il avait refusé un poste à Jérusalem car il se sentait responsable de ces gens qui lui faisaient confiance et ne voulait pas les abandonner.

Avec beaucoup de tact, car la vindicte est encore vive, Michèle Kahn marche sur les pas de cet homme et réussit à démontrer que c’est son aveuglement qui a facilité la tache des nazis au lieu de l’entraver et non une volonté de nuire à la communauté.

Basé sur une documentation énorme, Le rabbin de Salonique, au-delà du désir de réhabilitation d’un homme, est un hommage à toutes les victimes et un témoignage sur ce qui ne doit jamais être oublié.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 283
Editeur : Editions du Rocher
Collection : Un nouveau regard
Sortie : 21 octobre 2010
Prix : 17,90 €