La prunelle de ses yeux – Avis +

Présentation de l’éditeur

Il est aveugle. Elle est ses yeux. Elle pense le guider vers la lumière. Il va l’entraîner dans ses ténèbres.

Gabriel a tout perdu en une nuit. Son fils de dix-sept ans, sauvagement assassiné. Ses yeux. Sa vie… Les années ont passé et l’aveugle n’a pas renoncé à recouvrer la vue. Encore moins à faire la lumière sur la mort de son enfant.

Quand un nouvel élément le met enfin sur la piste du meurtrier, c’est une évidence : il fera justice lui-même. Mais pour entreprendre ce long et éprouvant voyage, Gabriel a besoin de trouver un guide. Il recrute alors Maya, une jeune femme solitaire et mélancolique, sans lui avouer ses véritables intentions…

La cécité de conversion est une pathologie aussi méconnue qu’effrayante : suite à un profond traumatisme psychologique, vous êtes aveugle. C’est ce qui est arrivé au personnage principal de ce roman.

Avis de Linagalatée

Nous sommes en septembre 2003 et Victor Abramovic intègre pour sa première année la très prisée école Mètis. Dès son arrivée il se fait remarquer par Tancrède Sinclair, le caïd incontesté de l’établissement et suivi de sa fidèle cour : Maya sa petite amie, Gaël et Florian.

Treize ans ont passé, chacun a suivi sa route et celle de Maya l’a conduite jusqu’en Irlande où elle vient de perdre son travail. Elle n’a pas terminé son cursus à Mètis et se retrouve à survivre avec des petits boulots précaires.

Quand elle rencontre Gabriel, la somme astronomique qu’il lui propose pour être son accompagnatrice, vient à bout de toutes ses réticences.
Il est aveugle et veut visiter la France. Elle a besoin d’argent même si elle s’était juré de ne jamais remettre les pieds en France.

Gabriel a eu un accident de voiture et a perdu la vue, mais les deux ne sont pas liés, c’est un choc psychologique qui est à l’origine de sa cécité, il a perdu son fils unique, assassiné. Ses yeux fonctionnent, son cerveau fonctionne, mais il est aveugle malgré tout.

Maya tombe assez rapidement sous le charme de Gabriel, drôle, raffiné, attentionné, tout le contraire de ce qu’elle a connu auparavant, et lui-même ne semble pas insensible à son charme. Ils se rapprochent dangereusement, mais Gabriel souffle le chaud et le froid, tantôt d’une tendresse sensuelle, tantôt d’une cruauté glaciale. Maya se sent perdue et commence à se poser des questions, beaucoup de questions. Et si, Gabriel n’était pas celui qu’il prétend être ? Et s’il avait un lien avec son exil forcé en Irlande, ce secret qu’elle traîne depuis 13 ans et dont elle ne s’est jamais ouverte à personne et qui l’empêche de vivre ?

Ne vous leurrez pas, ce n’est pas d’une histoire d’amour dont il s’agit : c’est d’une vengeance ! Celle d’un homme rendu aveugle et fou de douleur. Celle d’un homme machiavélique qui a tout planifié dans les moindres détails pour punir l’assassin de son fils, et il n’hésitera pas à utiliser tous les moyens et personnes à sa disposition pour y arriver.

Mais Gabriel n’est pas que cet homme sans remord assoiffé de vengeance, c’est aussi un homme cultivé, bien élevé, drôle, parlant et vivant sa cécité comme si elle lui avait appris à « voir » autrement, profondément humain malgré tout. Un personnage auquel on s’attache très vite, même si on connaît ses desseins.

Maya, elle, est une femme effacée, craintive. Elle boit plus que de raison, elle a commencé à le faire pour oublier, et aujourd’hui ne peut plus vivre sans sa dose quotidienne. Mais c’est qu’elle en a des choses à oublier la belle Maya. Sa vingt-quatrième année a été celle de sa bascule. Mètis et ses bizutages l’ont réduite à l’état de « chose », celle de Tancrède tout d’abord, violent, raciste, homophobe, misogyne et la liste est longue encore. Jamais elle ne parviendra à oublier tout ce qu’il lui a fait subir ni ce qu’il l’a obligée à faire. S’enfuir était la seule alternative à sa survie.

Et elle est sa propre destructrice également, elle s’interdit d’être heureuse, de vivre, noyant son quotidien dans la boisson pour ne pas affronter ses démons. Mais Gabriel a l’air de réveiller les démons de Maya, et elle prend sérieusement peur. Elle a raison, cela ne fait que commencer.

Ingrid Desjours… Que dire de cet auteur ? Rien que la couverture de ses romans vous invite au plus fou des voyages. Elle a un talent indiscutable pour vous happer dès les premiers mots. Elle a ce don de transcender les mots pour leur donner une résonance nouvelle qui vous embarque, en se renouvelant sans cesse. Chacun de ses romans est un régal de lecture.

Celui-ci a cette particularité qu’il nous parle d’une « maladie » méconnue : la cécité de conversion, qu’elle explique très bien à la fin du roman. Les yeux ne veulent plus voir alors que rien physiologiquement ne les en empêche. C’est une atteinte purement psychologique, qui même si on arrive à retrouver l’élément déclencheur, ne guérit pas forcément. Elle en a très bien parlé d’ailleurs dans l’émission Le magazine de la santé sur France 5.

Mais elle ne parle pas que de ça, elle parle également d’une autre pathologie qui est la soumission à l’autorité dont souffre Maya, et des différentes expériences menées pour l’expliquer.

Vous pourrez le constater ce roman, n’est pas qu’un simple thriller, c’est également l’occasion pour Ingrid Desjours, qui était psycho-criminologue avant de devenir écrivain, de nous sensibiliser sur ces différentes pathologies que l’on appelait « hystériques » et que l’on nomme maintenant « de conversion », qui si elles sont inexpliquées n’en demeurent pas moins réelles, mais sans jamais nous noyer sous des termes médicaux. Elle nous les rend abordables à travers ses personnages, c’est certainement ce qui les rend tellement vivants.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 320
Éditeur : Robert Laffont
Collection : La Bête Noire
Sortie : 13 octobre 2016
Prix : 20 €