– Quand Staline m’a pris ma femme, j’ai failli me laisser aller, sombrer dans le sentimentalisme bourgeois… Staline m’a aidé à tenir.
Son premier acte consiste à libérer Polina Molotvna qui croupit depuis cinq ans au goulag et à la remettre à son mari Molotov (« ce que Beria donne, il peut le reprendre »). Ce service en vaut bien un autre : pourquoi ne pas favoriser l’accession au pouvoir de son bienfaiteur (qui auparavant avait fait arrêter pour trahison la bien-aimée de Molotov) ?
Quant à son principal rival (Khrouchtchev) il convient de l’écarter. Pourquoi ne pas lui confier l’organisation des funérailles de Staline ? Khrouchtchev s’attelle à cette tâche, invitant des délégations à venir présenter les derniers hommages au « Petit Père des peuples ». Puis il change d’avis. Les délégations écartées poursuivent leur chemin et chantent l’internationale lorsqu’elles sont repoussées par la force des armes (les autorités tirent dans la foule).
Pendant ce temps le maréchal Joukov assure les membres du Politburo du soutien de l’armée. Celle-ci en échange ne demande qu’une seule chose : la tête du général Vassili Djougachvili. Vassili Djougachvili ?! Beria le connaît très bien. Il s’agit de son filleul… et accessoirement le fils de Staline.
En effet, c’est ce qui a permis à Vassili de faire exécuter de nombreux officiers et même de déclencher une catastrophe aérienne. Son dernier acte « remarquable » (et alcoolisé) a consisté à révolvériser les médecins qui étaient en train d’effectuer l’autopsie de son père.
En effet Staline a une famille. C’est ainsi que sa fille Svetlana a connu très vite l’influence paternelle dans sa vie privée. Son amant a été arrêté en tant qu’ agent impérialiste, en raison d’une logique typiquement stalinienne :
1 : Svetlana est moche
2 : un homme s’intéresse à elle
3 : ce ne peut être que dans un but intéressé, se rapprocher de Staline
4 : c’est donc un agent impérialiste
5 : l’amoureux va donc se rafraîchir les idées au goulag
Pendant ce temps les membres du Politburo philosophent :
– On est au sommet.
– Pourvu que ça dure
Pour certains, cela ne durera pas.
Synthèse de pittoresque tragique et de kafkaïen meurtrier cet album obtint le prix de la bande dessinée historique. La transposition de la guerre de succession à la tête de l’URSS se révèle à la fois instructive sur le plan historique et savoureuse sur le plan de l’humour noir.
Fiche Technique
Scénario : Fabien Nury
Dessin : Thierry Robin
Couleurs : Thjierry Robin & Lorien Aureyre
Edition : Dargaud
Sortie : mai 2012
Prix : 13,99 €
Inédit, grand format, 60 pages couleurs