La Flûte enchantée par le Béjart Ballet Lausanne – Avis +

Présentation officielle

À l’occasion du 10e anniversaire de la disparition de Maurice Béjart et du 30e anniversaire de la compagnie, le Béjart Ballet Lausanne entame une tournée internationale exceptionnelle du ballet mythique La Flûte Enchantée.

Gil Roman, directeur artistique de la Compagnie, reprend la célèbre chorégraphie de Béjart sur l’œuvre magistrale et féérique de Mozart. Les 44 danseurs calent leurs pas sur la version musicale du Philharmonique de Berlin, dirigé par Karl Böhm en 1964. Le ballet de la Flûte Enchantée a été inauguré 10 mars 1981 au Cirque Royal à Bruxelles.

A travers l’alternance de scènes magiques ou comiques, ce ballet mettant fidèlement en scène la partition de Mozart, rend la musique visible et révèle l’essence du mouvement qui vit en son cœur. Fable philosophique et conte initiatique, La Flûte enchantée prône l’acceptation de l’humaine faillibilité, le triomphe du couple sur la désunion et la victoire des Lumières sur l’obscurité.

« La Flûte enchantée se présente à nous sous un double aspect : tout d’abord une féerie qui nous emporte dans la poésie pure de l’enfance ou du génie, ensuite, et surtout, un rituel précis, rigoureux, inspiré. Ce mélange peut nous sembler étrange. Constatons premièrement qu’il fonctionne parfaitement et que l’alternance des scènes, soit magiques, soit franchement comiques, avec un message philosophique d’une grande hauteur de pensée nous rend plus perméables à recevoir le symbolisme non seulement avec notre esprit, mais avec notre être total. »
Maurice Béjart

Avis d’Artémis

La Flûte enchantée de Mozart est probablement l’un des opéras les plus connus du grand public [[Pour le résumé de l’argument (l’intrigue), rendez-vous sur le site de la Philarmonie de Paris avec un article fort intéressant et complet ici !]], notamment via ses principaux airs, que ce soit celui de la Reine de la Nuit avec ses vocalises vertigineuses, celui de Papageno et Papagena, léger et pétillant, ou encore celui de Pamina qui émeut profondément. En décidant de chorégraphier cet opéra, Béjart s’attaquait donc à un monument de la musique classique, qui suscite déjà lui-même frissons, émotions ou rires… Un sacré défi, donc.

Maurice Béjart a créé un spectacle complet, avec comme objectif pour ses interprètes de « chanter la danse » [[Comme le raconte Julien Favreau dans un reportage de Fr2 sur le spectacle à retrouver ici. ]]. On est là dans un véritable ballet narratif (un des rares du chorégraphe d’ailleurs), chaque scène est traduite en danse, parfois de façon très fidèle aux textes chantés, parfois avec un peu plus de liberté. Béjart a créé un langage pour chacun de ses personnages, le plus impressionnant étant probablement celui de la Reine de la Nuit. Sur pointes, la danseuse (Elisabet Ros[[Il faut toutefois préciser que d’un soir à l’autre, les rôles sont interprétés par des danseurs différents.]], impressionnante – une des rares danseuses encore présentes dans la compagnie à avoir collaboré avec Béjart, elle est dans la compagnie depuis 1997) incarne une Reine de la Nuit plus animale que l’on aurait pu imaginer (loin de l’image d’Epinal des cantatrices majestueuses). Elle est plus proche de l’insecte, avec des lignes tordues, des pointes qui attaquent. C’est fascinant et dérangeant !

A son opposé, le personnage de Sarastro se caractérise par des mouvements contrôlés, lents, il incarne l’équilibre et la sagesse. Julien Favreau (autre pilier de la compagnie, dans laquelle il danse depuis 1995) impressionne par sa maîtrise. Il occupe l’espace, donne un poids à chaque mouvement.

Tant dans les qualités physiques, que dans l’engagement artistique, la troupe est formidable. Les personnages sont aisément reconnaissables par leur manière de danser, et les danseurs savent les faire vivre. Papageno notamment, est vif, drôle.

Pourtant, parfois, la musique semble submerger la chorégraphie. Le niveau émotionnel bascule, la chorégraphie paraissant soudain en deçà de l’opéra. C’est notamment le cas lors du solo de Pamina (« Ach, ich fühl’s… »)… Mais peut-être est-ce aussi une question de sensibilité et donc de subjectivité. Quoi qu’il en soit, ces quelques instants ne sont que ponctuels, et pour celui qui décroche de la chorégraphie, la musique est là pour rester plongé dans le spectacle.

En plus de la musique et de la danse, le chorégraphe a décidé de transformer un de ses danseurs en comédien. Si l’idée de voir un danseur parler peut sembler déconcertante à première vue (la danse étant le moyen d’expression), dans ce cadre précis, elle est plutôt bienvenue. Car si on ne connaît pas l’argument de l’opéra, chanté en allemand, on peut vite se perdre ou passer à côté de toute une partie de l’histoire. Ainsi, les moments de récitatifs (parties déclamées dans l’opéra) sont des respirations récitées par le narrateur.

Côté mise en scène, Béjart a décidé de s’inscrire résolument dans les allusions à la franc-maçonnerie évoquées par Mozart. Ainsi, pas de subtilité à chercher là. Cela peut parfois paraître grandiloquent, mais le choix est assumé, tant par les décors que par certains mouvements de la chorégraphie.

Ballet monumental par sa longueur et son ambition, la Flûte enchantée de Béjart vaut le détour. Sans entrer dans les débats ou les querelles sur le fond de l’argument (place de l’homme/de la femme, etc.), laissons-nous porter par la musique splendide de Mozart et comprendre ce que Béjart a voulu en dire. Et surtout, profitons pour admirer et applaudir cette superbe compagnie, qui a su se renouveler et continue à faire vivre l’œuvre de Béjart, 10 ans après sa mort.

Fiche technique

Ballet vu pour cette chronique lors des représentations au Palais des Congrès de Paris, en février 2018

Informations sur la prochaine représentation

Lieu : Chorégies d’Orange

Date : lundi 16 juillet 2018, 21 h 45

Tarifs : de 25 € à 90 €

Réservations et infos pratiques : sur le site officiel des Chorégies

Plus d’informations sur les tournées du Béjart Ballet Lausanne sur leur site officiel

Copyright photos : site officiel du Béjart Ballet Lausanne