Je m’occupe du café – Avis +

Résumé

Philippe a réuni ses amis pour fêter ses trente ans. Il est très tard, la soirée s’achève dans la salle des fêtes de Liancourt-Saint-Pierre. Les tout derniers invités finissent de ranger et s’apprêtent à rentrer chez eux. Pourtant, ils ne partiront pas tout de suite.

Dans un huis clos aussi singulier que réaliste, entre nuit et matin, autour d’un dernier café, les personnages se couvrent et se découvrent dans des « face à l’autre » inattendus, drôles, parfois même… inavoués. Café sans sucre avec comme un petit goût amer au fond des rires.

Avis de Marnie

Trentenaires, quadragénaires et autres, qui n’a pas revu de « vieux » amis et ne s’est pas senti soit en décalage, ou n’a pas été déçu, ou encore a trouvé “horriblement” changé l’idéaliste de service, le gauchiste militant ? C’est vrai que ce thème est extrêmement répétitif, du merveilleux film italien Nous nous sommes tant aimés de Ettore Scola, jusqu’à la pièce Cuisine et dépendances de Jaoui et Bacri, beaucoup d’années se sont passées mais le sujet est récurrent. Le tout, c’est de savoir si sa déclinaison ici, vaut un déplacement !

En fait, oui… Saluons d’ores et déjà la justesse de ton de l’écriture. Le texte de Nathalie Albar (qui signe également la mise en scène) et de Florence Lavergne (qui ne s’est pas choisie le rôle le plus facile) se décline tout en nuances, sans aucun temps mort, avec une vraie fluidité, style simple et français soigné… ce qui est rarement le cas dans les pièces dites de l’après Splendid, les auteurs souhaitant souvent jouer sur le comique familier et jeune. Loin de concourir sur ce terrain là, l’humour se distille par petites touches, de répliques en regards, ironisant surtout avec les stéréotypes des personnages et les clichés d’usage.

La seconde bonne idée est de n’avoir pas opposé les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Chaque personnage est plus ou moins sympathique mais provoquera à un moment ou un autre le rejet ou l’empathie du spectateur. Ainsi la scène d’introduction entre Martha (Emmanuela Pacini), anticonformiste aux idées libertaires, capable de partir le moment suivant à l’autre bout du monde sur un coup de tête, et Alex (Florence Lavergne) l’épouse de son frère Vincent (Mallory Casas), une très conventionnelle bourgeoise, croyante, dirigiste, qui semble avoir une opinion sur tout même quand on ne lui demande pas… va nous induire quelque peu en erreur. En effet, Martha, personnage bien plus fragile qu’elle ne le montre de prime abord, fuit une certaine réalité insupportable, alors que Alex dans son désir de bien faire va se révéler aussi touchante qu’exaspérante…

Il en est ainsi de tous les personnages, si l’on plaint Vincent, sous la coupe d’une belle-famille tyrannique, sa façon de vivre lui convient autant qu’il la rejette. Quant à Antoine (Jean-Sébastien Chevassu), qui dès le départ semble être le grand benêt de service, quelques remarques fines, un certain bon sens dans ses propos mettent en lumière les fêlures des autres… Reste le personnage clé, celle dont le retour risque de faire surgir le meilleur ou le pire de chacun, Louise (Louise Boudevin) une jeune femme en constante évolution qui a tenté de se construire ailleurs mais qui n’a jamais pu oublier ceux qu’elle a laissés derrière elle.

Illusions perdues, amertume sur ce qui aurait pu être, chacun se reconnaîtra dans les échecs, les espérances, les explications qui n’en sont pas, les rencontres manquées, les désirs inavoués, les vies parallèles, celles qui se sont croisées puis séparées, mais de ce constat qui pourrait plomber tout de même l’atmosphère, surgissent optimisme et humour qui emportent tout sur leur passage !

Au final, cette jolie aventure toulousaine, qui a reçu le prix du Printemps du rire en 2007, conserve toute sa fraîcheur, sa spontanéité, transposée à Paris et vous fera passer un excellent moment, entre tendresse et dérision, situation dans laquelle vous vous êtes retrouvés ou vous vous reconnaîtrez à un moment ou à un autre de votre vie ! C’est ainsi lorsque le théâtre ressemble à la réalité… ou que votre existence devient tout à coup l’espace d’une soirée, une pièce de théâtre !

Profitez d’une virée au mois de juillet à Paris, l’aventure continue au théâtre de l’Essaïon jusqu’au 26 juillet !

Fiche Technique

Horaires : du mardi au samedi à 21H30
Adresse : Théâtre de l’Essaïon – 6 rue Pierre au Lard – 75004 Paris
Métro : Châtelet, Hôtel de Ville, Rambuteau
Réservation : 01 42 78 46 42
Tarifs : 20€/15€