Interview de Sherry Thomas – VF

Onirik: Vous avez commencé à publier il y a peu. Écrivez-vous depuis longtemps ? Qu’est-ce qui vous amené à l’écriture ?

Sherry Thomas : Oui, j’écris depuis longtemps. J’ai commencé en 1998 et j’ai écrit durant huit années avant que Private Arrangements soit vendu à Bantam Books, mon éditeur. Ma première tentative dans l’écriture a été une sorte de hasard et je n’avais jamais eu l’intention de publier auparavant. Et puis je me suis mise à lire de la romance qui m’a déplue tout particulièrement, et je me suis dit que je pouvais certainement faire mieux. Mais en réalité, je n’ai pas réussi à faire mieux pendant de très longues années.

Onirik: Vous êtes encore peu connue puisque vous débutez votre carrière d’écrivain. Pourriez vous nous parler un peu de vous ?

Sherry Thomas : Je suis née à Qingdao en République Populaire de Chine, et j’ai grandi avec ma mère et mes grands parents. Ils avaient fréquenté dans leur jeunesse des écoles où on enseignait l’anglais et ils le parlaient tous les deux couramment. Je crois même que mon grand-père connaissait quelques mots de français. Une partie des frères et sœurs de mon grand-père ont émigré vers les États-Unis dans les années 1940. Et dans les années 80, quand la Chine a de nouveau autorisé ses citoyens à étudier à l’étranger, la sœur de mon grand père a fait venir de nombreux neveux et nièces aux États-Unis, dont ma mère. Je l’ai rejointe à Baton Rouge, en Louisiane, en 1988. A l’heure actuelle je vis à Austin au Texas avec mon mari et nos deux fils.

Onirik : Pourquoi avoir choisi la romance historique ? Vos histoires pourraient être situées à une autre époque ?

Sherry Thomas : La romance historique permet de mieux s’évader de la réalité à cause de l’éloignement dans le passé. Je me plais à penser que mes histoires ne pourraient pas se situer à n’importe quelle autre époque (c’est à dire, vers la fin du dix-neuvième siècle). Si on prend, par exemple, le problème du divorce dans Private Arrangement, mon premier roman. Si j’avais situé l’histoire beaucoup plus tôt, un divorce aurait été impensable. La situer quelques dizaines d’années plus tard n’aurait même pas provoqué un haussement de sourcil. Donc l’histoire devait prendre place à une époque où le divorce était envisageable mais encore scandaleux.

Onirik : Votre histoire et la façon dont vous écrivez n’est pas sans rappeler de grands auteurs comme Judith Ivory : même époque, héros partagé entre France et Angleterre comme dans The beast, par exemple. J’ai vu que vous aviez écrit des critiques sur les livres de cet auteur. Est-ce une source d’inspiration pour vous ? Avez-vous d’autres auteurs qui jouent le même rôle ?

Sherry Thomas : Merci. C’est un grand compliment puisque Judith Ivory est mon écrivain préférée bien que je n’ose pas me comparer à elle, parce qu’elle est vraiment lumineuse et exceptionnelle. J’aime vraiment beaucoup sa façon de voir les choses dans ses livres, très cosmopolite et toujours sans jugement, et elle a vraiment un style très élégant. Un autre auteur qui m’a inspirée et poussée à mieux écrire est Laura Kinsale qui n’a pas peur de s’attaquer à des sujets sombres et douloureux et qui écrit avec une intensité émotionnelle extraordinaire.

Onirik : Le thème de votre livre est difficile. Vous vous intéressez à l’échec d’un mariage et vous n’hésitez pas à montrer des héros (notamment l’héroïne) égoïstes, menteurs… Est-ce pour monter une situation plus proche de la réalité des êtres humains ?

Sherry Thomas : Je ne pense pas que c’était mon intention de faire un parallèle entre la vie et mon histoire, bien que tout bonne histoire doit avoir un lien avec la réalité, d’une certaine façon. L’idée de cette intrigue (une terrible histoire et ses conséquences) est apparue parce que j’ai lu de nombreuses romances où il y avait un « Gros Malentendu », dans lequel le héros a cru que l’héroïne était une fille facile/menteuse/croqueuse de diamants, alors qu’elle était aussi innocente qu’un agneau. Alors je me suis demandée ce qui se passerait si elle avait vraiment fait quelque chose de mal. Et alors ? Une histoire avec une action profondément mauvaise (deux, en réalité, puisque ce qu’il lui a fait n’est pas très correct non plus) est plus forte qu’une dont la trame est un simple malentendu conduisant au conflit. Et cela m’a donné aussi des personnages intéressants à travailler. Comment deux personnes aussi intelligentes par ailleurs peuvent se mettre dans de tels ennuis ? Et comment vont-ils s’en remettre ? L’amour peut-il renaître quand il y a eu tellement de mauvaise volonté ?

Onirik : Dans votre roman, l’héroïne cherche à avoir une seconde chance mais pas de pardon. Il n’y pas d’aspect moralisateur. Avez-vous chercher à montrer que tout le monde a droit à une seconde chance ?

Sherry Thomas : J’espère vraiment qu’il n’y a pas de leçon de morale parce que personne n’aime en recevoir. Mais la moralité est un thème central du livre. Tout le monde mérite une seconde chance mais la seconde ou la troisième chance serait gaspillée, si les gens ne réalisaient pas leur erreurs de la première fois.

Onirik : Vous faites de fréquentes allusions et comparaisons avec la mythologie dans votre livre. Est-ce une source d’inspiration ? Avez vous un intérêt particulier pour cela ?

Sherry Thomas : Je trouve la mythologie grecque fascinante en cela que, contrairement au christianisme, non seulement les divinités ne sont pas parfaites mais leurs fautes sont nombreuses et énormes. Mais la principale fonction des références à la mythologie grecque dans mon livre c’est de créer un dialogue intérieur des personnages en rapport avec leur époque. Je dois utiliser des références bien connues d’eux, qui vivaient il y cent ans et suffisamment connues de nous aujourd’hui. Donc ça laissait à ma disposition Shakespeare, Dickens, et la mythologie grecque, tous ces éléments faisant partie d’une éducation supérieure dans la plupart des pays anglophones de l’époque.

Onirik : Votre héros a fait des études en France, a l’accent français et vous semblez connaître notre pays et le continent européen. Avez-vous déjà visité notre pays ?

Sherry Thomas : J’ai en effet visité la France. Plus que visité d’ailleurs. J’ai étudié durant un an dans le cadre d’un échange d’étudiants à l’université d’Aix-Marseille III, à Aix en Provence. Ça a été et sera toujours les plus belles années de ma vie. Le reste de l’Europe, par contre je ne le connais que par mes recherches. J’adore la langue française. Je trouve sa construction, sa syntaxe et son vocabulaire très attirant bien que je doive reconnaître, que certains de ses temps m’échappent, puisque le chinois, ma langue maternelle ne s’embarrassent pas avec eux. En réalité, j’ai pris l’habitude de jeter le plus de mots et de phrases françaises possible dans mes manuscrits. J’ai dû perdre cette habitude parce que c’était surtout pour me faire plaisir.

Onirik : Vous annoncez sur votre site internet la traduction de votre livre en français. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Sherry Thomas : Oui. Private Arrangements sera traduit en français et publié par J’ai Lu. L’accord a été signé très récemment, en mars 2008, et je n’ai pas encore reçu le contrat. Il stipule que la publication doit être faite dans les dix-huit mois après la signature donc je suppose que Private Arrangements sera en vente vers 2010. Ça été un énorme plaisir de vendre le livre en France parce que j’ai vraiment de très bons souvenirs de ce pays et parce que je serai capable de lire la traduction (mon agent m’a dit que les éditeurs français coupait le texte de 10 à 15 %, il sera donc intéressant de voir ce qui a été tailladé).

Onirik : Votre second livre paraît cet été. Je l’attends avec impatience. A t-il un lien avec celui-ci ? De quoi parle t-il ?

Sherry Thomas : Mon deuxième livre, Delicious est un livre indépendant. C’est également une histoire de seconde chance bien que contrairement à Private Arrangements, les héros ne se sont pas fait de mal l’un à l’autre. Leur séparation a été provoquée plutôt par leurs différences de niveau social : c’est un homme politique prometteur, elle est une simple cuisinière. J’appelle ce livre une histoire à la Cendrillon. Ils se rencontrent lors d’une nuit mémorable. Elle disparaît. Il la cherche partout et la retrouve dans l’endroit le plus inattendu : sa cuisine ! Et pour savoir s’il y a un lien entre les deux livres, la réponse rapide est : oui. La réponse plus longue serait : oui, mais… Un certain personnage de Private Arrangements joue un petit rôle dans Delicious et j’espère pouvoir développer cette connexion à l’avenir.