Interview de Megan Hart -VF

Onirik : Nous savons que vous avez avez touché à tous les genres littéraires. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans l’érotisme ?

Megan Hart : J’ai toujours voulu écrire des romances, et mes histoires semblent présenter des scènes d’amour qui ne sont pas cachées derrière des portes closes. Comme le marché de la romance est florissant, ce que j’écris précisément avait de grandes chances de fleurir également… J’aime lire des histoires sexy, alors en écrire m’a semblé un choix tout ce qu’il y a de plus naturel. J’estime que si je dois écrire sur la vie de mes personnages, leur vie sexuelle en fait aussi partie !

Onirik : L’érotisme semble ne pas se dissocier de la psychologie ? Avez-vous fait des études en ce sens ? Le comportement sexuel est-il un moyen d’analyser les sentiments humains ?

Megan Hart : Je n’ai jamais étudié la psychologie, mais je pense que les gens révèlent souvent d’eux-mêmes beaucoup plus pendant le sexe qu’à nul autre moment. Le sexe et l’intimité vont de paire. C’est dur de vous protéger vous-même de l’autre quand vous êtes nu !

Onirik : Stephen King est une référence pour vous. Mais par quels auteurs avez-vous été influencée ?

J’admire et apprécie les livres de Ray Bradbury, Isaac Asimov, Clive Barker, Gary Jennings, Jacqueline Carey et beaucoup d’autres ! Je trouve l’inspiration en lisant mes auteurs favoris, cependant j’apprécie plus leur travail pour le plaisir qu’il m’apporte, plutôt que d’essayer d’écrire des livres comme les leurs.

Onirik : En France, nous disons que « les gens heureux n’ont pas d’histoire ». Or vos deux héroïnes du Secret (Dirty) et de Rendez-vous (Broken) ont une histoire dramatique pour ne pas dire tragique. Pourquoi avoir choisi d’évoquer un contexte si difficile ? Est-ce le cheminement de la reconstruction personnelle de ces deux femmes qui vous a intéressé ?

Megan Hart : L’idée du Secret est venue d’une idée fugitive que j’ai eue, sur une femme qui rencontrerait un homme et qui serait entraînée vers ce qui est « sale », sexuellement parlant. Mais à mesure que le livre prenait forme, j’ai eu besoin d’une raison précise pour que ce personnage se mette à faire les choses qu’elle faisait, et finalement, le caractère de Elle s’est dessiné dans ma tête et tout autour de lui, son histoire. Une fois que je connaissais son vécu, tout s’est alors mis en place. La même chose s’est passée avec Rendez-vous, j’avais l’idée d’un homme et d’une femme se rencontrant sur un banc dans un parc, le héros commençant à raconter ses histoires. Mais pourquoi aurait-elle envie de l’écouter ? Elle avait besoin d’une vraie raison, pas juste de fantasmer. Et c’est comme ça que l’histoire de Sadie et d’Adam a pris forme dans ma tête. Je ne commence pas à écrire mes livres avec l’idée première d’une héroïne au passé tragique, mais pour ma part, je pense que cela contribue à rendre le roman plus intéressant !

Onirik : Dans Rendez-vous, pour Callixta, le héros raconte ses aventures sexuelles qui sont revisitées et revécues par l’héroïne. Pour Marnie, l’homme narre ses rencontres par la bouche et les pensées de chacune de ses conquêtes… qui le jugent ou analyse son comportement, et ces pensées sont reprises par l’héroïne. Cela semble compliqué, expliqué comme cela, mais en fait c’est très simple. Qu’est-ce qu’apporte ce procédé d’écriture?

Megan Hart : A l’origine, j’ai seulement eu l’idée de Joe qui raconterait à Sadie ses histoires comme un moyen pour lui de se révéler peu à peu à elle. Cependant, à mesure que le roman a pris forme, j’ai commencé à réfléchir au fait que peut-être Joe était en train de raconter des « histoires » et non la vérité. Ce sont des histoires qui sont racontées pour donner à Sadie ce qu’il pensait qu’elle souhaitait entendre, même si elle ne l’avait jamais dit à haute voix. Je pense que Joe révèle de lui-même à Sadie à travers ses histoires, mais qu’elles ne sont pas entièrement réelles. De son côté à elle, écouter les histoires de Joe, c’est ce qui lui permet de fantasmer. Cela leur apporte à tous les deux quelque chose d’écouter et de raconter ces histoires ainsi, chaque mois, mais en utilisant le procédé de la narration à la première personne, nous avons encore mieux l’impression que Sadie entend (quelque chose qui n’est pas exactement ce que Joe dit).

Onirik : Le secret me fait énormément penser à mon film préféré d’Hitchcock, Marnie : petites scènes du point de vue de l’héroïne qui peut de moins en moins se maîtriser, comportement obsessionnel, (Marnie refuse tous contact de peur de se livrer émotionnellement à un seul, Elle fait exactement le contraire mais pour la même raison… le point commun étant le traumatisme). Progression de la tension comme dans un suspense jusqu’à l’évènement dramatique qui provoquera la révélation. C’est très très bien amené et laisse le lecteur totalement abasourdi. Avez-vous conscience de ce procédé cinématographique ?

Megan Hart : Je n’ai pas délibérément choisi d’écrire cette histoire de cette manière; j’ai écrit comme cela venait quand je m’asseyais chaque jour pour me mettre au travail. Je ne pourrais pas vous raconter à l’avance comment j’avais l’intention de faire évoluer le récit parce que moi-même, j’ignore ce qui allait se passer ! Et j’espère que je serai toujours capable d’offrir le meilleur de mon travail, même si je n’ai aucune idée de la façon dont tout cela se met en place.

Onirik : « le contact » semble plus érotique et plus bouleversant que l’acte sexuel proprement dit. Dans le Secret, Elle ne supporte pas d’embrasser ou qu’on l’embrasse. Dans Rendez-vous, Joe non plus. La scène entre Sadie et la masseuse est bouleversante.

Megan Hart : Je pense qu’embrasser est plus intime qu’avoir des rapports sexuels. Elle et Joe sont tous les deux effrayés par l’intimité bien plus que par le sexe, c’est la raison pour laquelle s’ils sont complètement à l’aise en offrant leur corps, ils ne sont pas capables d’embrasser leurs partenaires sans avoir peur de perdre quelque chose d’eux-mêmes. La façon de réagir de Sadie pendant le massage vient de ma propre expérience après avoir eu un massage moi-même, et comment en ayant laissé un étranger me toucher de cette façon intime m’a fait me sentir vulnérable et émotionnellement sensible, et pas spécialement relaxée (car en vérité c’est ainsi qu’un massage est sensé vous amener à être !). J’ai imaginé ce que devait ressentir une femme qui n’avait pas été touchée depuis longtemps et qui expérimenterait ce relâchement émotionnel, et c’est pourquoi Sadie a un massage dans le livre !

Onirik : Pour vous, la notion du couple se révèle à travers les yeux d’autres personnes ?

Megan Hart : Je pense que nous nous voyons nous-mêmes pas de la même façon que les autres nous voient, oui (est-ce que vous vouliez dire ?)

Onirik : Je suis surprise parce que vos romans ne suivent pas les critères habituels de la romance éditée par Harlequin en général. Est-ce que c’est vous qui imposez vos histoires, idées et critères ou bien est-ce le contraire, des tabous sont alors fixés par la maison d’édition ?

Megan Hart : J’ai été très chanceuse d’écrire pour la collection Spice. Mon éditeur, jusqu’à présent, ne m’a rien refusé ou ne m’a jamais demandé de modifier ou d’enlever quoique ce soit de mes livres. C’est parce que Spice n’est pas une collection classée « romance » mais plutôt de la fiction érotique, les conditions nécessaires à la « romance » ne sont pas réunies ici. Cela ne veut pas dire que je ne pense pas que mes livres ne peuvent être considérés comme romantiques, ou comme des histoires d’amour, mais ils ne suivent pas les critères que beaucoup de gens attribuent aux romances. Jusqu’ici, j’ai été capable d’écrire ce que moi je trouvais intéressant, ou sentais nécessaire pour le bon déroulement de l’histoire, et c’est ce qui est merveilleux !

Onirik : Pouvez-vous nous révéler quelques petites informations sur votre prochain livre qui sera publier aux Etats-Unis en décembre (si je ne me trompe pas) ?

Megan Hart : Stranger qui sera publié vers fin décembre aux Etats-Unis, est un roman dans lequel, un des héros, Sam Stewart est le frère de Dan (héros, lui du Secret). L’autre personnage principal est Jack (que l’on trouve lui-aussi dans Le secret). Grace, l’héroïne, entrepreneur de pompes funèbres a décidé qu’elle préférait payer la compagnie des hommes plutôt que d’avoir une vraie relation sentimentale. Les choses vont se compliquer quand elle rencontre Sam, qui représente ce qu’elle a toujours tenter de prétendre qu’elle ne voulait pas !