Interview de Karine Lanini, éditrice de la collection Spicy

Onirik : Est-ce que la collection Spicy a été créée pour répondre à une attente ou pour la susciter ?

Karine Lanini : En se lançant dans la fiction érotique, les éditions Harlequin n’ont pas « suivi un marché » ou décidé de « lancer une tendance ». En revanche, nous avons profité d’une opportunité éditoriale, venue de notre maison mère, qui a réalisé un travail exceptionnel pour lancer la collection Spicy, en recherchant des romans érotiques de qualité, et en travaillant étroitement avec des auteurs, comme Megan Hart, afin de maintenir cette qualité éditoriale dans tout le programme Spicy.

L’existence de ce programme en Amérique du Nord était donc pour nous une opportunité de nous lancer dans la fiction érotique avec une garantie de qualité, et c’est ce qui nous a permis d’aller en toute confiance vers ce type de romans.
De fait, la fiction érotique était une nouveauté pour Harlequin France, mais cela nous a paru aller dans le sens d’une évolution de la société, marquée par l’omniprésence de l’érotisme dans tous les médias.

Or, malgré cette omniprésence, la fiction érotique en France était jusqu’à présent quasiment inexistante, ou, en tout cas, n’existait pas sous cette forme féminine. Pour nous, un roman érotique n’est pas un prétexte à la juxtaposition de scènes sexuelles explicites décrites en termes crus – ça, c’est de la pornographie. Pour nous, un roman érotique n’est pas non plus un roman traditionnel qu’on aurait enrichi avec des scènes sensuelles, plus ou moins détaillées, qu’on pourrait supprimer sans que cela change quoi que ce soit à la qualité de l’œuvre. Non, pour nous, un véritable roman érotique doit être à la fois romanesque, et érotique : cela semble une évidence, mais cela fait toute la différence. Le point de départ de l’intrigue doit être érotique (l’apprentissage du désir, la découverte des fantasmes…), et les scènes érotiques ne doivent être ni gratuites, ni vulgaires. Elles doivent nourrir l’intrigue, et non la « décorer ». C’est la force de la collection Spicy, et nous sommes très fiers de ces romans qui réussissent à être captivants et troublants sans jamais tomber dans la vulgarité.

Onirik : Comment avez-vous sélectionné les auteurs de la collection Spicy ? Quels ont été les critères ?

Karine Lanini : Nous n’avons pas sélectionné des auteurs, mais des romans, qui nous paraissaient correspondre aux critères évoqués un peu plus haut. Dès la première lecture, il nous a paru évident que les romans de Megan Hart, Suzanne Forster et M.J. Rose devaient être présents dans notre nouvelle collection, car nous y trouvions exactement ce que nous attendions d’une fiction érotique féminine : une histoire intense, mettant en scène des héroïnes attachantes que l’on a envie d’accompagner tout au long du roman, des héroïnes qui ressemblent aux femmes d’aujourd’hui et qui découvrent leurs désirs les plus intimes en repoussant leurs propres limites. Une histoire qui flirte avec les interdits et explore le champ des fantasmes, sans que cela soit vulgaire.

Onirik : Megan Hart n’était pas connue avant que vous publiiez les deux romans Le Secret et Rendez-vous. Comment l’avez-vous découverte ? Comptez-vous publier d’autres auteurs peu connus ?

Karine Lanini : Dès les premières pages de Dirty (titre original du Secret), nous avons su que nous avions trouvé avec Megan Hart un auteur particulièrement doué pour le genre de fictions érotiques que nous souhaitions publier, et cette intuition s’est trouvée très largement confirmée à la lecture de Broken (titre original de Rendez-vous), ou de Tempted, le troisième roman érotique de Megan que nous publierons en 2009. Megan s’est donc imposée à nous comme l’un des piliers de notre nouvelle collection, et nous aimons retrouver dans chacun de ses romans cette atmosphère si particulière qui nous accroche dès les premières lignes et ne nous lâche plus jusqu’à la fin du roman.

Pour autant, avant de chercher un auteur, connu ou non, nous cherchons d’abord des romans qui correspondent à nos attentes, et nous en avons trouvé quelques-uns, qui, nous l’espérons, vous plairont autant que ceux de Megan. Parmi ceux qui ont déjà été publiés, La plume écarlate me semble particulièrement intéressant, parce que M.J. Rose y pousse très loin le raffinement érotique et nous emporte dans un tourbillon romanesque extrêmement habile. Jusqu’à présent, on connaissait surtout M.J. Rose pour ses thrillers, mais elle dévoile dans La plume écarlate toute l’étendue de son talent, et c’est là l’une des forces de la collection Spicy que de donner à des auteurs, connus ou non, l’opportunité d’explorer de nouveaux champs d’écriture.

Onirik : Quelle est la description de cette collection ? Comptez-vous sortir du style contemporain pour explorer d’autres genres (fantastique, historique, etc.)

Karine Lanini : Comme je l’indiquais plus haut, nos deux critères fondamentaux ont été la recherche conjointe de l’érotisme et du romanesque. Par-dessus tout, nous
voulions éviter la vulgarité, et nous démarquer de ce que l’on trouve aujourd’hui en librairie sous le titre de « littérature érotique », la plupart du temps écrit pour des hommes, par des hommes.

Or, qui, mieux que les Editions Harlequin, pouvait se lancer dans l’aventure de romans érotiques écrits pour des femmes, par des femmes ? Notre longue expérience de la fiction féminine nous a sans doute permis d’éviter ces écueils et de publier des romans qui mettent en scène un point de vue féminin, des romans d’initiation, sans tabous.

Pour l’instant, nous n’avons publié que des romans contemporains, mais nous n’excluons aucune possibilité pour la suite : tout dépend des opportunités éditoriales que nous rencontrerons. De fait, nous avons reçu, entre autres, des manuscrits de romans érotiques historiques et fantastiques, et s’ils emportent notre adhésion, si nous y trouvons le même plaisir de lecture et s’ils correspondent à ce que nous avons envie de lire dans une collection érotique féminine, nous les publierons sans hésiter.

Onirik : Etes-vous satisfaites de l’accueil réservé à cette nouvelle collection ? Avez-vous reçu des retours positifs des lecteurs ?

Karine Lanini : Les premiers résultats sont extrêmement positifs, notamment sur notre site Internet où les deux romans publiés en juillet font partie de nos meilleures ventes de l’été. Un succès qui est en train de se confirmer dans les différents points de vente, qu’il s’agisse d’hypermarchés, ou de librairies traditionnelles. Et il y a toutes les chances qu’il en soit de même fin octobre avec la sortie des deux nouveautés Spicy. En effet, notre équipe de conseillères téléphoniques a reçu l’appel de nombreuses lectrices qui manifestent leur intérêt et leur enthousiasme face à cette nouvelle collection. Elles ont noté, par ailleurs, un nombre important de demandes d’abonnements.

Onirik : Avez-vous l’impression d’être précurseur ? Quelles sont vos prochaines avancées ?

Karine Lanini : Publier de la fiction érotique n’a rien de nouveau en soi. Ce qui est plus nouveau, en revanche, c’est de placer l’érotisme au cœur du féminin, de faire de la femme le sujet – et non plus simplement l’objet – de ce type de fiction. C’est peut-être beaucoup plus révolutionnaire que ça n’en a l’air, ce droit des femmes à explorer leurs propres limites, à inventer aussi leurs propres fantasmes, au lieu d‘entrer dans un moule qui n’est pas le leur. Cela correspond certainement à une tendance profonde de la société que nos auteurs ne font qu’accompagner, même s’ils donnent parfois l’impression de la devancer.

Onirik : Pouvez-vous nous présenter d’autres auteurs aussi talentueux que Megan Hart que vous comptez publier ?

Karine Lanini : Nous sommes en train de travailler sur le programme de publications pour 2009, et ne pouvons pas encore vous en parler, en revanche, les deux autres auteurs que nous avons publiés dans la collection Spicy en 2008, M.J. Rose et Suzanne Forster, ont déjà fait leur preuve dans d’autre genres de fiction féminine (thriller, romanesque…) dans nos collections Best-sellers, Mira, ou Jade.

Un grand merci à Karine Lanini pour la qualité de ses réponses, et la qualité des livres choisis et publiés.