Interview de Jan Colley – VF

Comment avez-vous réussi à publier votre premier livre ?

Jan Colley : Cela a été stressant ! J’étais l’une des cinq gagnants sur un site ou l’on doit présenter des pitchs, et sur lequel je résume mes histoires en deux phrases. Le prix était de pitcher ladite histoire à Melissa Jeglinski, un cadre éditeur de « Silhouette Books » à New York. Comme j’allais me lancer dans la discussion sur ordinateur, je me suis aperçue que j’étais incapable d’entrer dans la chatroom d’Harlequin, préalablement à la compétition. J’ai essayé plusieurs ordinateurs différents et j’ai même demandé à des informaticiens de venir chez moi mais rien n’a fonctionné. A la fin, j’ai été remplacée par un autre compétiteur et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Mais pas question d’abandonner ! Je suis restée toute la nuit à réessayer, et finalement, une heure avant que le chat ne commence, je me suis débrouillée je ne sais comment pour entrer dans le salon de discussion. Heureusement, Melissa était en avance et d’accord pour lire mon pitch. Elle a voulu la totalité du manuscrit, je le lui ai envoyé et cinq jours plus tard, elle m’a demandé de faire des corrections (beaucoup de corrections). Deux mois plus tard, elle m’a appelé chez moi et m’a dit qu’elle voulait acheter mon livre ! C’était Trophy wives, celui qui est paru en décembre 2005.

Onirik : Quels sont vos auteurs favoris ? Vous en inspirez-vous pour vos livres ?

Jan Colley : Je ne suis pas depuis longtemps une lectrice de romances. Je lis plutôt des livres politiques contemporains écrits par des gens comme John Pilger, et des tas d’autobiographies mais pas de fiction. J’adore Ayn Rand, la grande philosophe des années 50. J’aime les aventures historiques de James Michener. J’apprécie aussi Harry Potter et Diana Gabaldon. En littérature féminine, j’adore Nora Roberts, et surtout les Eve Dallas, écrits sous le pseudonyme de J.D. Robb. Bronwyn Jameson et Jennifer Greene sont mes auteurs préférés de la collection Désirs. Malheureusement, je n’en lis plus autant que je le souhaiterais car j’ai tendance à analyser pendant que je lis, et c’est une habitude détestable !

Chaque auteur apporte un point de vue différent. Certains sont doués pour décrire les caractères et je m’efforce d’inventer des personnages aussi réels et honnêtes que je le peux. D’autres écrivent de magnifiques scènes d’amour ou des moments sombres et déchirants qui me font pleurer. J’adorerais croire que je puisse moi aussi entraîner le lecteur à ressentir la même chose, mais vraiment, je pense que mes histoires tendent à être un petit peu plus légères et chaudes plutôt que tragiques et difficiles.

Onirik : Lorsque vous écrivez vos intrigues, avez-vous vos propres critères ou limites ou est-ce que les maisons d’édition vous fixent des frontières à ne pas dépasser, ou des tabous ?

Jan Colley : Chaque collection des maisons d’édition Silhouette ou Harlequin ont des « indications précises ». Pour Désirs, les mots clés sont Puissance, Provocation et Passionné. Ces directives ont changé depuis que j’ai commencé à être publiée, un état de fait qui m’a occasionné quelques problèmes. Les éditeurs exigent de riches mâles alpha. Avant, un docteur ou un avocat pouvait être un héros de la collection Désirs, que l’on pouvait trouver parmi des magnats, princes ou cow-boys. Maintenant, ils doivent être multimillionnaires, propriétaires de multinationales. Ils ressemblent aux héros alpha des Harlequins contemporains. Ils ne restent pas assis à pleurer sur leur triste sort, mais sortent et défient la terre de dévier de son axe. Les conflits sont multiples et plus accentués, reposant sur des facteurs plus externes que rationalisés parce qu’ils tombent amoureux de l’héroïne. En partant de ce fait, chaque auteur apporte un angle différent sur ces thèmes récurrents.

Onirik : Dans Quand survient la passion, vous évoquez l’incompréhension familiale. Le héros a un lourd passif. Les rapports parents/enfants, est-ce un sujet qui vous tient à cœur ou la complexité des relations humaines qui vous intéresse ?

Jan Colley : Mes héros ne sont pas tout à fait assez alpha pour respecter les règles en la matière, et je suis toujours obligée de me dire que je dois les rendre plus pragmatiques. Dans l’histoire de Connors, j’avais décidé d’essayer d’écrire sur un héros traumatisé, quelqu’un qui s’est renfermé sur lui-même ne pouvant pas croire qu’il mérite d’être heureux. Naturellement, la pire des personnes qui lui serait destinée devrait être quelqu’un de chaleureux et d’optimiste, qui croit en l’amour, même si elle a passé de durs moments également.

Parce que nous avons besoin d’écrire des histoires puissantes, avec des personnages ayant un lourd bagage, les parents sont souvent les catalyseurs de leur bien-être émotionnel. Je voulais que tous les deux aient eu une belle enfance. Des problèmes, oui, mais à la base, ils ont reçu tous deux un grand amour de leur famille et alors (espérons-le) ce serait crédible qu’ils puissent reconnaître et accepter l’amour qui se présente à eux.

Onirik : Un aspect surprenant de votre héros : il est vraiment coupable (oui, c’était un accident, mais ses intentions étaient mauvaises…) J’ai vraiment apprécié qu’il n’était pas parfait, nous voyons sa force mais sa faiblesse également. Ce n’est pas fréquent avec les héros Harlequin, mais il devient plus humain… Qu’en pensez-vous ?

Jan Colley : Je pense que Connors se sent terriblement coupable d’avoir tué sa petite amie dans cet accident, mais plus que ça, la pire chose a été son comportement juste avant le drame, quand il a rompu avec elle en utilisant la célébrité de la jeune femme comme un moyen de retenir l’attention du public, des journalistes, etc… « la respiration de Connors était profonde et oppressée : Ce que je ne peux pas supporter c’est qu’elle soit partie pour l’éternité avec mes mots de rupture résonnant à ses oreilles. Je déteste l’idée qu’il y ait eu des témoins de cela, que j’ai rendu tout cela si publique ».

Pour lui, la pire chose n’est pas qu’elle soit morte, mais qu’il ait sacrifié sa moralité, ce que ses parents lui avaient transmis et cela, juste pour avoir un peu plus de publicité auprès des médias. C’est ça qu’il ne se pardonne pas. Je pense de plus en plus que nous voyons certains aspects de la faiblesse du héros dans les histoires publiées dans la collection Désirs, avec des conflits et des motivations si profondes aux multiples répercussions, et en contrepartie, il se doit d’être alpha et fort. Vous avez besoin d’une vraie raison complexe pour expliquer que le héros combatte de toutes ses forces le fait de tomber amoureux, plus qu’une simple blessure sentimentale venue du passé.

Onirik : J’ai été touchée par cette histoire, aussi parce que vous prenez comme contexte votre pays, la Nouvelle Zélande en ajoutant des sentiments forts et de la chaleur, notamment quand vous décrivez la construction du nouveau stade (pour la prochaine coupe du monde de rugby) et l’enthousiasme pas seulement des supporters mais aussi de toute la population. Ce n’est plus de la fiction, cela va devenir une réalité. Appréciez vous d’introduire des éléments réels dans vos romans ?

Jan Colley : Imaginez que je sois française et mon héros un joueur de football, ou un cycliste concourant pour le tour de France. Le sport représente beaucoup pour chacun des peuples. La Nouvelle Zélande est une petite nation, connue surtout pour une seule chose, le rugby. On retrouve l’amour de ce sport dans toutes les couches de notre population, parce que ce talent a placé la Nouvelle Zélande sur un plan international. C’est alors impossible de ne pas ressentir chez nous de passion pour le rugby. On la retrouve dans les journaux, à la télévision, à la radio, dans les bars et notamment quand nous sommes bons. J’essaye de faire une allusion à ce jeu dans beaucoup de mes romans. Dans mon premier livre “Trophy Wives”, le couple de héros suivent un match ou se distinguent les All blacks à Christchurch. Connors est un ex-All black. Zack a joué au rugby à l’université dans “Expecting a Fortune”.

Onirik : J’ai été assez surprise de remarquer dans ce roman que votre récit contourne certains critères bien définis de la romance Harlequin. La parution de la double histoire m’a permis de comparer une trame très classique et votre œuvre. Le happy end est très nuancé (les conflits avec les parents ne sont pas résolus), les deux héros s’aiment mais restent hésitants, conscients que tout ne sera pas rose, et les scènes sexy sont résolument… sexy (vous évitez les métaphores d’usage). De quel style cherchez vous à vous rapprocher ou vous éloigner ?

Jan Colley : Vous avez raison, la vie n’est pas toujours un conte de fée, et je pense que les Néo-zélandais ne sont peut-être pas vraiment romantiques, comme vous dites, les Français ! Certaines fois, j’en fais trop et je dois me rappeler ce que les lecteurs de la collection Désir attendent. Mon éditeur a noté que Connors ne dit jamais « je t’aime » à la fin de “Quand survient la passion”, et j’ai du le rajouter. J’apprends toujours. En fait, j’ai écrit en premier la fin qui se déroule dans la maison de la mère de Eve, mais un jour avant que je rende le manuscrit, j’ai déjeuné dans un restaurant et il y avait une grande table autour de laquelle des gens sourds mangeaient. Une personne s’occupait de prendre les desideratas des autres en utilisant le langage des signes et passait les commandes aux serveurs. J’ai pensé, ça y est ! Voici l’épilogue de mon histoire. Cela convient particulièrement à Connors qui est si paranoïaque à propos de sa vie privée : devoir admettre en public qu’il aime Eve, même s’ils ne peuvent l’entendre, sera atroce pour lui ! Et nous les écrivains adorons faire faire des choses insupportables à nos personnages !

Je suis très contente que vous pensiez que j’évite les métaphores habituelles dans les scènes érotiques. C’est difficile d’écrire une scène d’amour sans utiliser les clichés d’usage. Souvent, je passe sur les scènes de sexe jusqu’à ce que je finisse d’écrire le livre et alors, je reviens dessus et les travaille. Je ne les ai jamais réussies du premier coup. Je m’efforce de garder une certaine fraîcheur. Ce n’est pas toujours facile mais mon but est de m’améliorer à chaque livre. Lorsque j’aurai écrit cinquante bouquins, peut-être que je saurai enfin ce que je fais !!

Onirik : Comme Janet Evanovich, Nora Roberts, Sandra Brown, Tami Hoag, Janet Dailey, Iris Johansen, Linda Howard, Jayne Ann Krentz, cherchez-vous à faire évoluer vos romans vers d’autres genres (thrillers etc….) ou vous sentez-vous à l’aise dans le format qui vous est imposé par les collections ?

Jan Colley : Naturellement, j’adorerais que mon éditrice publie tout ce que j’écris, exactement comme je l’écris, mais elle connaît ce qui se vend. Harlequin a effectué beaucoup de recherches sur ses lecteurs. Le mâle alpha richissime se vend. Je veux que mes romans se vendent. Il ne faut jamais dire jamais, mais je suis très heureuse de faire partie des protégées de Harlequin. Je n’aime pas assurer la promotion moi-même et ils s’occupent de cela et de la distribution à grande échelle. J’ai finalement obtenu un site web (www.jancolley.com) et quelques fois de charmantes personnes comme vous me demandent des interviews. Être un auteur “individuel” signifie beaucoup de travail en plus. Je ne me sens pas encore prête pour choisir ce chemin, même si j’ai sérieusement pensé à écrire pour Désirs, ou tout autre collection Harlequin, un jour. Silhouette et Désirs m’ont donné une magnifique opportunité et je détesterais faire la moindre chose pour dénigrer cela.

Onirik : Vous faites paraître seulement depuis trois ans vos livres, avez-vous une ambition particulière ou vous laissez votre inspiration en tant qu’écrivain guider votre carrière ?

Jan Colley : J’ai toujours eu mes personnages et mes histoires en moi et ce depuis que je suis une petite fille. Je veux être écrivain. Je veux bâtir ma vie autour de cela. C’est le meilleur travail que j’ai jamais eu et je ne souhaite rien faire d’autre. Mon ambition est d’apprendre encore et encore et d’écrire mes histoires un peu mieux à chaque fois, et même si je n’avais jamais été publiée, j’écrirais encore et toujours.

Onirik : Avez-vous des révélations à nous faire sur votre prochain roman ?

Jan Colley : Mon troisième roman “Expecting a Fortune” est paru en mai, l’année dernière. Il fait partie d’une suite et se passe dans le Dakota du Sud. Mon quatrième livre “Satin and a Scandalous Affair” paraîtra aux États-Unis en avril prochain. Il s’agit là aussi d’une série écrite par plusieurs écrivains et vous pouvez trouver des informations sur ces séries sur www.diamonds-downunder.com. Cette série de six volumes se situe en Australie et en Nouvelle Zélande ayant pour thème les diamants ! Mon roman est le quatrième tome et l’action se déroule à Port Douglas, une petite ville près de l’océan dans le nord de l’Australie, et incidemment, une de mes destinations favorites de vacances. Mon héroïne est une créatrice de bijoux, le héros courtier en diamants qui a besoin d’elle pour dessiner un collier pour mettre en valeur une pierre extraordinaire. Il y a des querelles familiales, des secrets et des mensonges, et tout cela autour des diamants.

Mon cinquième livre qui se nomme “Billionaire’s Favourite Fantasy” se situe à Queenstown en Nouvelle Zélande. Il sera publié en juillet aux États-Unis. Le héros possède son propre avion et achète des hôtels, dont un ou l’héroïne travaille. Elle est revenue chez elle à Queenstown après avoir grimpé les échelons d’une carrière prometteuse à l’étranger et découvert que ce n’est pas facile de se battre. Je viens juste de signer un contrat de deux romans qui va me tenir occupée jusqu’au mois d’octobre, à propos de deux frères kiwis (néo-zélandais). Je suis certaine que l’on y parlera de rugby quelque part, et cela juste pour vous, Marnie !