Genèses d’une folie créole : Jean Rhys et Jane Eyre – Avis +

Présentation de l’éditeur

On se propose ici d’explorer les rapports pour le moins complexes qui, à un siècle d’intervalle, relient le dernier roman de Jean Rhys, Wide Sargasso Sea, à son hypotexte victorien, Jane Eyre. En revisitant le personnage de la Créole – alias Bertha Mason – dans Jane Eyre, Jean Rhys livre en effet sa version personnelle, rectificatrice, de la folie.

Et surtout, son roman se donne comme le texte matriciel de celui qui l’a engendré, comme l’avant-Jane Eyre et, partant, comme la voix inaugurale de la folie. Il est donc fascinant de redécouvrir l’un des canons de la littérature victorienne à l’aune de Wide Sargasso Sea, en raison même de ce rapport de filiation inversée.

Prendre pour objet la genèse de la folie implique par ailleurs de revenir aux sources mêmes du texte, autrement dit à l’avant-texte. On relira donc le dernier roman de Jean Rhys à la lumière des lettres et manuscrits issus des archives de l’université de Tulsa et de la British Library. Ces originaux se donnent comme un véritable journal de création. Ils nous permettent de voir comment la folie s’écrit, s’inscrit dans le texte, au fil d’une gestation lente et sinueuse. Et ils portent en eux la trace des multiples repentirs, tâtonnements et changements de cap qui ont permis d’aboutir au chef-d’œuvre que l’on connaît.

Avis de Claire

De son vrai nom Ella Gwendolen Rees Williams, la romancière britannique Jean Rhys, (1890-1979) est née à Roseau, aux Antilles, d’une mère créole. Ce détail a son importance pour comprendre son oeuvre, où les racines et le poids des origines sont des thèmes récurrents.

Dans son essai passionnant, Catherine Rovera se propose de revenir sur ce qu’elle appelle « le rapport de filiation inversée » entre l’oeuvre-phare de Jean Rhys La Prisonnière des Sargasses, (Wide Sargasso sea) publiée en 1966 et le chef d’oeuvre de Charlotte Brontë Jane Eyre (1847). Ce roman, qu’elle a lu quand elle était très jeune l’a profondément marquée, notamment un personnage en particulier, celui de Bertha Mason [[Nous n’en révélerons pas plus pour les lecteurs qui n’ont pas encore lu Jane Eyre]].

Si les points communs sont nombreux avec l’oeuvre de Charlotte Brontë, Catherine Rovera démontre comment Jean Rhys s’en détache peu à peu, et pas seulement par le choix de nommer son héroïne Antoinette. La réalité prend le pas sur la fiction, ainsi l’objectif avoué de Jean Rhys est la dénonciation du colonialisme.

Dans son oeuvre, les Noirs ont enfin le droit à la parole, autant que les Blancs. Leur langue est même valorisée, issue de la culture antillaise de source africaine. D’un point de vue historique, cet essai est extraordinairement riche et nous permet de voir l’Angleterre coloniale d’un autre angle.

A découvrir, en particulier si on aime Jane Eyre, mais aussi si l’on souhaite découvrir Jean Rhys.

Fiche technique

Format : broché

Éditeur : Hermann
Pages : 155
Sortie : 8 avril 2015
Prix : 22 €