Eyes of war – Avis +

Résumé

Photographes de guerre chevronnés, Mark et David sont en mission au Kurdistan. Tandis que le premier décide de rester sur place quelques jours encore en quête du cliché susceptible de le rendre célèbre, le second ne supporte plus la violence et le désespoir quotidiens. Surtout, il veut rentrer pour retrouver sa femme Diane, qui attend un enfant. Grièvement blessé, Mark échoue dans un hôpital de campagne, avant d’être rapatrié à Dublin, où il apprend que David, lui, a disparu…

Avis d’Enora

Ce film signe le retour de Danis Tanovic dont le premier long métrage, No man’s land, huis clos pendant la guerre de Bosnie, avait reçu le Prix du scénario à Cannes, le César du meilleur premier film et l’Oscar du meilleur film étranger.

Eyes of war est tiré d’un roman du journaliste et correspondant de guerre Scott Anderson, Triage, qui met en scène deux photographes de guerre, Mark et David. On peut comprendre l’intérêt que le réalisateur a trouvé à ce récit, lui qui fut derrière la camera pendant la guerre de Bosnie pour livrer au monde, à travers ses documentaires, la réalité du conflit.

Dans No man’s land, qui se passait dans son pays, il se servait de l’humour, arme ultime, pour mettre de la distance et traiter avec un regard extérieur un sujet grave. Ici il aborde d’autres conflits dans le monde, à travers des histoires humaines, des histoires personnelles, celle de Mark, notamment, avec lequel il a dû se trouver un certains nombre de points communs : la camera comme l’appareil photo sont des filtres à émotions qui permettent d’établir une distance entre soi-même et l’environnement ; mais parfois ça ne marche pas et le réel fait irruption renvoyant le photographe à sa solitude. La guerre, disait Danis Tanovic, on ne s’en sort jamais, on apprend à vivre avec mais elle reste enterrée en nous.

Eyes of war, c’est aussi un film sur les choix et la culpabilité du survivant. Déjà dans son premier long métrage, le réalisateur faisait dire à un de ses personnages que ne pas intervenir est déjà un choix que ce n’est pas de la neutralité. Chacun a sa vérité et chacun fait ses choix, après il faut vivre avec ces souffrances, on ne les oublie jamais, on les transporte toujours avec soi et c’est le sens du mot vivre. Car c’est quelque chose de très complexe d’être un survivant, ça rend parfois la mort plus proche que la vie et ça pousse à envier ceux qui ont disparu. Les cicatrices dont on n’a jamais reconnu l’existence ne disparaissent pas purement et simplement et ce sont les survivants qui sont perdus et errent comme des âmes en peine.

Avec son regard de réaliste cynique, Danis Tanovic nous livre un film extrêmement réussi et émouvant. Il a eu la bonne idée de laisser de coté tout le volet du roman qui parle de la guerre d’Espagne, rendant ainsi son œuvre plus percutante. Ce drame est porté par le jeu admirable de tous les acteurs, Colin Farrell, Paz Vega et Christopher Lee, acteur trop rare, dont nous retrouvons avec plaisir la présence magnétique. Il faut noter que c’est l’enthousiasme de Colin Farrell qui a précipité la réalisation de ce projet.

Un très beau film, percutant, parfaitement maitrisé, dont on ne ressort pas indemne et qui nous permet de nous interroger sur le sens du mot humanité.

Fiche technique

Genre : guerre

Sortie : 16 juin 2010

Avec Colin Farrell, Paz Vega, Christopher Lee…

Durée : 95 minutes

Titre original : Triage