Dérive – Avis +

Présentation de l’éditeur

 » C’était la première fois qu’il voyait un vrai mort. Son premier mort comme dans les films. Le souvenir de son pied déchaussé, légèrement tordu, serré dans un bas épais à embout renforcé lui revient dans toute sa platitude. On voyait sa culotte aussi. Blaise a vu la culotte de madame Petroni (…). C’est con, mais il a envie de rire. Il va sûrement être arrêté, aller en prison, se faire violer par d’autres détenus et il est sur le point de s’esclaffer parce qu’il a vu la culotte de madame Petroni.  »

Blaise fait des petits boulots occasionnels, Mireille est caissière chez Champion. Des gens a priori ordinaires et sans histoire, avec leur cortège d’ennuis, de problèmes financiers. Lui cherche un travail stable, pour retrouver l’estime de sa famille. Elle rêve d’une vie meilleure et fantasme sur le fils de ses voisins. Tout bascule le jour où Blaise est témoin d’un accident mortel. Persuadé qu’il ferait un coupable idéal, il prend la mauvaise décision et enlève puis séquestre un petit garçon qui a assisté à la scène…

Isabelle Garna explore l’intimité des gens ordinaires, les vies banales en équilibre instable. Elle recherche le plus petit geste inconscient, la pensée incongrue, le coup de folie qui va irrémédiablement bouleverser leur existence.

Avis d’Enora

Une histoire à deux voix, des récits en parallèle à l’image de la vie de couple de Blaise et de Mireille. Lui, fait des petits boulots en attendant de décrocher un CDI, elle, est caissière dans un supermarché. A l’époque où elle souriait encore, ils ont fait deux enfants dans la chambre donnée par les beaux-parents, un mobilier des années cinquante, fait en série pour les ouvriers, sans goût et sans âme.

Mireille regarde Les feux de l’amour, rêve d’une vie meilleure avec un homme qui la trouve encore désirable et s’évade en entretenant une relation ambiguë avec le fils des voisins. Blaise est accroc aux feuilletons policiers et se fantasme en Jack Malone. Un jour tout bascule, Blaise est témoin d’un accident mortel et enchaînant les mauvaises décisions, il se retrouve à enlever un petit garçon de six ans…

L’histoire est en deux parties, la première décrit avec brio une famille comme il en existe tant. Des gens sans espérance, aigris par la vie dans une banlieue lugubre.  » Parce qu’elle est vraiment répugnante, leur banlieue… Les édifices administratifs en total désaccord avec l’environnement détonnent, démesurés, mégalomanes. Pour mieux écraser les pauvres, leur montrer qu’ils n’ont aucune chance de s’en sortir. Pour les enfermer dans un ghetto où la noirceur des façades a remplacé les barbelés.« . Blaise et Mireille restent ensemble par habitude, par manque de courage et ne partagent plus que leur ennui et le sordide de leur existence, en se réfugiant dans les feuilletons télévisés.

La seconde partie tourne littéralement au cauchemar, dans une atmosphère glauque et asphyxiante. Une spirale infernale dans laquelle le lecteur est autant happé que les personnages… jusqu’au passage final qui surenchérit dans l’horreur.

On ferme ce livre avec une énorme sensation de malaise et une envie d’aller respirer dehors. Le mal-être étant dû à la qualité d’écriture d’Isabelle Garna, à sa façon remarquable de restituer une atmosphère et de faire grimper l’angoisse ; mais aussi à l’histoire de cette dérive dans laquelle on a l’impression que les personnages sont prisonniers d’un destin et que tout leur échappe. Ici pas de rédemption, les innocents sont devenus des dommages collatéraux d’un système qui déshumanise.

Un livre dur, original et parfaitement maitrisé qui n’est pas sans faire penser à certaines œuvres de Zola.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 296
Editeur : Luc Pire
Sortie : février 2010
Prix : 18 €