Castelletto – Avis +/-

Présentation de l’éditeur

Dans les ruelles chatoyantes et décadentes de la Venise de 1361, Chiara rêve à une autre vie. À la mort de sa mère, victime de la peste, elle est recueillie par une communauté de prostituées alors qu’elle n’est qu’une petite fille.

Treize ans plus tard, elle vit elle aussi du commerce de ses charmes. Belle, brillante et déterminée, Chiara économise dans l’espoir de se construire un avenir plus radieux. Mais la découverte de l’identité de son père va bouleverser ses plans et lui offrir ce qu’elle n’aurait jamais imaginé : le pouvoir. Plus sulfureuse que jamais, la Cité des Doges devient le décor rêvé de sa quête d’amour et de liberté.

Avis de Valérie

Au XIVe siècle, Venise a créé le premier ghetto officiel en parquant et enfermant la nuit la population juive sur un seul site géographique. Quelques années plus tard, le conseil des doges régissant la république de Venise a pour idée de prescrire la même solution aux prostituées. Les enfermer dans un endroit délimité avec interdiction d’en sortir librement. Cela permettrait de limiter les éventuelles contagions, comme la peste qui a ravagé les quartiers les plus pauvres.

Cette prison architecturale deviendrait aussi un voile de pudeur sur le marché du sexe de cette ville portuaire, à la croisée avec l’Orient. De cacher l’ignominie donc, cela s’est déjà vu… et c’était également un moyen de mettre la main mise sur l’argent de la prostitution, avec un rendement bien plus efficace que rançonner les ruffians des matrones. Voilà le sujet principal du roman de Emma Mars.

La mise en place est précise et circonstanciée : l’auteur a visiblement étudié son sujet et cela se voit peut-être un peu trop. Emma Mars – enfin, Frédéric Mars, ce n’est plus un secret – n’est pas historien. Sa passion pour la république vénitienne est tangible, et compréhensible. La situation de la cité des doges est passionnante au niveau géopolitique, culturel, et sociétal. Les amateurs de romans historiques révéraient de voir bien plus de livres situés ici.

Mais l’enthousiasme du romancier peut perdre un peu le lecteur qui attend la réalisation des promesses présentes en quatrième de couverture. Le décor est planté avec un peu de trop de détails. Cela alourdit notre découverte, d’autant que le style est travaillé, démonstratif, baroque. Étonnement, le texte comporte de nombreux mots en italien, qui, s’ils se comprennent quelques fois (ou se devinent), ils ne sont pas traduits, ni sous forme de notes de bas de page, ni dans un glossaire en fin d’ouvrage. Cet ensemble d’obstacles à la lecture restreint l’audience du roman. C’est toujours dommage, mais c’est totalement assumé par l’auteur.

Chiara, finalement, devient un personnage presque secondaire face au projet pharaonique de relocalisation des prostituées. Mais elle accroche l’intérêt du lecteur, grâce notamment à ses relations affectives avec ses amies et quelques clients, ses talents de maîtresse et sa volonté sans borne pour se libérer du joug de sa matrone et des hommes.

Tout comme l’auteur, le lecteur finit par être fasciné par la politique qui mêle intimement les hommes et les femmes. Ces arcanes du pouvoir qui se veulent pour le bien du peuple et ne le sont finalement que pour une poignée de dignitaires…

Castelletto est un roman passionnant, malgré un manque de fluidité dans son écriture. Il prépare le tome deux qui ne devrait pas tarder à être publié !

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 320
Editeur : Charleston
Sortie : 9 mai 2018
Prix : 18 €