Big fish

Quand mentir rime avec embellir, la tromperie n’en est que plus agréable. Surtout quand le mensonge ne sert que de support à la vérité et loin de la masquer la met au premier plan et permet, à ceux qui en ont les moyens, d’en comprendre le sens. Ce type de mensonge est la spécialité d’Ed Bloom qui, aux derniers jours de sa vie, raconte son histoire à sa belle-fille française et son intolérant de fils qui, n’en pouvant plus des histoires incroyables de son père, veut en connaître le vrai visage sans comprendre que ces histoires font justement partie de son héritage. Ce que le fils reproche finalement à son père n’est autre que la magie inhérente à la vie de ce dernier qui, imageant, détaillant, exagérant à outrance, rend superbe et joyeuse une vie qui aurait due etre morne et terne. L’histoire de cette vie bigarrée est au final, si on l’accepte telle la femme du fantastique conteur, non seulement beaucoup plus vrai et surtout relève d’une fidélité à toute épreuve à son entourage.

Fidèlité malgré le mensonge c’est toute la poésie du film car quoi de plus sordide que la triste réalité alors que l’on peut raconter la meme chose différement, sans trahir, et rendre les expériences beaucoup plus belles et plus intéressantes pour celui qui vit et pense déjà à comment raconter et à celui qui écoute. Après, quelle différence cela fait-il que le géant ne fasse que 2 mètres 30 et non 5 mètres, que le village accueillant issu d’un conte de fée soit en fait bien ancré dans la réalité. L’important c’est d’y croire et de comprendre ce que le fils va mettre beaucoup de temps à voir cet état de fait.

La vie de Ed Bloom est donc une sort de reve éveillé dont amour et bonheur sont les maitres mots. Amour d’une part de tout le monde pour Ed et de Ed pour sa femme. Tout le monde aime Ed car sa vision fantastique du monde l’amène d’une part à accepter tout un chacun quelque soit sa condition et d’autre part à ne pas voir les différences autres que celle du coeur entre les gens. Ed aime sa femme et lui voue une fidélité sans faille alors que son tempéramment le pousse à parcourir le monde laissant son épouse et son enfant au domicile conjugal. C’est justement cet abandon que ne peut accepter le fils, ne pouvant comprendre que son père ne pouvait etre enchainé physiquement alors qu’il l’était par ses sentiments. Le bonheur jaillit aussi de la pellicule pour s’emparer du spectateur à travers l’optimisme indestructible de Ed qui ne se laisse jamais abattre devant l’adversité et est capable meme dans la pire situation de ne voir que son propre objectif de bonheur.

Certes, toute histoire ne peut que se terminer, mais ce qui compte c’est de laisser un héritage et, loin du film, c’est aux spectateurs de perpétuer cet héritage.