Freyr : Pourquoi, dans un film de science-fiction post-apocalyptique, un tel dénuement d’effets spéciaux et d’autres équipements high-tech ?
Nelson Yu Lik-Wai : Dans les choix esthétiques j’ai toujours une attirance pour les films de science-fiction et fantastique mais d’une manière très naïve, comme dans les films muets. C’est aussi un côté enfantin, je n’aime pas trop la science-fiction trop moderne car trop vu, trop conventionnel. J’aime bien les films comme Brazil (Terry Gilliam), qui ont de l’humour, plus proche d’une réalité quotidienne. Il y a des moments où j’ai essayé de rendre hommage aux films muets, par exemple dans les séquences aux montages très rapides, avec des animations, c’est ça qui m’intéresse.
Freyr : Personnellement j’ai trouvé le film très beau, très esthétique, où avez vous tourné ?
R : Le lieu de tournage si situe à l’extrême nord de la chine à la frontière d’avec la Mongolie. C’est une ville de mines qui a eu une importance dans les années 50/60 lors de la forte demande de chabron. Mais c’est dernier années les endroits ont été déserté. La première fois j’étais allé faire un repérage avec un autre réalisateur pour un documentaire. J’ai tout de suite flashé parce que je pense que c’est un chouette décor pour faire un film avec une histoire insolite et la première inspiration vient de cette phase. et après coup j’ai construit mon histoire.
Freyr : Ce lieu a t’il aussi une valeur symbolique au niveau de l’histoire chinoise et de ce qu’il se passe dans le film ?
R : Non, c’est totalement fictif. Le seul lien qui est vraiment important pour moi c’est au tout début du film, c’est quand tu vois le Boudha c’est dans la même ville. C’est un héritage historique, classé, c’est un site boudhiste important. Mais à part ça c’est fictif, il n’y a pas eu de camp la-bàs.
Freyr : Justement, concernant les camps, cette notion de rééducation n’est elle pas très orientale dans la mesure où les camps en europe ont été soit des camps de travail soit des camps d’extermination ?
R : Les camps de rééducation c’est surtout avec les communiste et se trouvent pendant la révolution culturelle. C’est pour faire un vrai nettoyage de cerveau d’interner les gens. Je ne pense pas que cela soit typiquement chinois, c’est la tradition communiste.
Freyr : Quel est l’impact de vos études réalisées en Belgique sur votre travail ?
R : L’éducation européene m’a surtout marqué sur le côté formel. C’est à dire tout ce qui est technique, le langage du cinéma. Mais quand je travaille, je le fais avec les matières premières proches de moi. J’ai par contre été beaucoup marqué par des cinéastes comme Antonioni ou Besson dans l’apporche cinématographie. Mais sur le fond, dans les matières premières, c’est plutôt propre à ma culture.
Freyr : A propos de votre culture justement, ce futur apocalyptique que vous décrivez pourrait se passer actuellement. N’avez vous pas eu de souci avec les autorités en place au niveau de la censure ?
R : Oui j’ai eu pas mal de problème mais cela n’est pas forcément lié au sujet. En Chine il y a un cinéma indépendant qui n’existent pas en Chine. ils ne sont pas officiels. La seul punition c’est que ces films ne sont pas distribués en Chine. Mon film n’est donc pas un cas exceptionnel. Il fait parti de ces films qui ne voient pas le jour en Chine. Bien sûr c’est un sujet sensible mais je ne crois que c’est un film qui particulièrement problématique pour l’autorité.
Freyr : Au niveau des prises de vues, il y a des grands ensembles dévastés, des appartements ravagés, sont-ce des décors réels où alors des images de synthèse ?
R : Ce sont des décors naturels, il n’y a pas eu une seule construction pour le film. Nous avons eu quand même pas mal de boulot à la post-production pour faire les retouches afin d’accentuer les ambiances précaires avec des fumées ou aves des immeubles un peu délabrés. Ce sont des retouches, pas de gros effets spéciaux, plutôt comme de la peinture.
Freyr : Un thème revient assez souvent dans le film c’est celui du train. Il y a t’il une symbolique ?
R : Non il n’y a pas de symoblique ou alors c’est inconscient. J’aime bien les trains, c’est un moyen de transport qui m’impressionnait et qui m’impressionne toujours. Parce que les wagons, je ne fais pas référence au camps de concentration car ce n’est pas ma culture, c’est un moyen de transport archaique mais qui est impressionant.
Freyr : Le souci avec le train c’est que l’on a aucun controle sur la direction.
R : C’est peut être effectivement un symbole inconscient. On a une liberté mais on est emprisonné par cette liberté car on ne sait pas quoi en faire. C’est un peu comme dans la vie quotidienne, on se sent libre mais on est mené par un pouvoir et on n’est pas tellement libre.
Freyr : Cela rejoint ma question suivante. Ce qui est intéressant dans le film c’est que les personnages pourraient être n’importe qui. Cela change des visions post-apocalyptiques avec des super-héros invincibles et c’est vraiment très touchant comment vous avez montré comment tout le monde réagirait si ça nous arrivait demain.
R : De toutes façons cela ne m’intéresse pas le super-héros parce que c’est un peu divinisé et je me sens plus proche des petits personnages. C’est à l’image humaien que je construit mes personnages avec toutes ces faiblesse humaines, cette fragilité humaine. Dans ce film il y a une hyptothèse, après une catastrophe on doit faire un choix on doit recommencer une vie. Pour le personnage principal, il refuse de reprendre une vie normal car cela signifie recommencer les erreurs que l’on a commis avant. Donc pour moi c’est plutot la recherche d’une alternative qui est intéressante. Mais je ne propose pas de solution car je ne suis pas philosophe, je ne sais pas ce que serait cette alternative mais j crois que ca existe quelque part. C’est comme la fin du film, c’est ouvert.
Freyr : Pour en revenir à la science fiction, vous avez dit que pour vous la technologie n’avait pas tant avancé que ça ces 50 dernières années.
R : Matériellement parlant je crois que l’on a beaucoup évolué. Je ne suis pas contre la modernité mais en même temps mais notre évolution matérielle n’est pas couplée avec une évolution spirituelle. Il y a un décalage, il faut que l’esprit humain évolue pour maîtriser cette technologie.
Freyr : Et vous pensez qu’un futur apocalyptique tel que vous le décrivez permettrait de réaligner l’évolution spirituel et l’évolution technique ? Car sans technologie on est obligé de faire un retour sur soi.
R : Pour moi cette introspection est lié à ma culture. Parfois quand je vais trop loin, je préfère m’arrêter et me regarder, m’intérioriser pour voir ce qui est vraiment à l’intérieur. C’est aussi le sujet du film, c’est la situation dans les pays asiatique en ce moment, nous avons une modernité avancée mais c’est un peu trop violent. Dans cette course là on sacrifie beaucoup de choses y compris les valeurs qui nous sont chères. C’est pour cela que je propose de nous arrêter un peu et de faire une introspection collective. Bien sûr ce n’est pas une catastrophe que je souhaite, c’est une fable mais à travers cette fable j’ai voulu qu’on se questionne, que l’on se regarde dans le miroir.